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Journal des débats politiques et littéraires, 5 novembre 1835

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Journal des débats politiques et littéraires
5 novembre 1835


Extrait du journal

PARIS, 4 NOVEMBRE. Dans le nombre des brochures politiques qui paraissent, celle que vient de publier M. Barchou de Penlioën mérite d'être distin guée. Elle a pour titre : Guillaume d'Orange et Louis-Philippe ( 1688-1830). Sur ce titre bien des gens penseraient peut-être qu'il s'agit d'un rapprochement entre les deux révolutions, et de faire ressortir les ressemblances qui leur promettent une destinée com mune, destinée d'affermissement, de gloire et de liberté. C'est le point de vue opposé qu'a choisi M. Barchou. Il ne rapproche les deux révolutions que pour montrer leurs différences. Elles sont grandes, sans aucun doute. Jamais deux événemens humains ne confondent tellement leurs traits qu'on puisse les prendre l'un pour l'autre ; jamais, en particulier, «ne révolution française ne sera calquée complètement sur une révolution anglaise. Le génie des deux peuples diffère en trop de points. En Angle terre , le point de départ de la révolution, c'est le protestantisme. En France, c'est la philosophie. La Bible de notre révolution, c'est Voltaire, c'est Jean-Jacques. Eu Angleterre tout se rattache aux vieilles libertés du pays, et la révolution de 1688, dissimulant avec soin sa date, ne semble que la consommation de l'œuvre com mencée plusieurs siècles auparavant par les chartes arrachées aux rois normands. En France, un des mérites de la liberté, c'est d'être nouvelle ou de le paraître. Elle a rompu , autant qu'il lui a été possible, avec le passé. En Angleterre, pays d'aristocratie, tout se fait avec gravité, lenteur, mesure. En France, on ne va jamais assez vite au gré du pays. Tout se fait d'enthousiasme, par instinct et impétuosité. Il sera toujours facile à un homme d'esprit de mettre en relief ces différences. Mais que s'ensuit-il? Parce que jamaisdeux événemens humains ne se ressemblent jusques dans leurs détails et que la distance des siècles et le génie particulier de chaque peuple met tent entre eux des différences nécessaires, faut-il en conclure que jamais il n'y a de conséquences à tirer d'un événement à l'autre? Faut-il renoncer à tout ce qu'on appelle leçons de l'histoire et de l'expérience ? Ne pourra-t-on comparer un peuple qu'avec lui-même? Encore ne trouverait-on pas, fût-ce dans l'histoire du même peu ple, deux événemens de pareille taille et de même figure, et rien ne ressemble moins que la Ligue à la révolution de 1789 ou que la Fronde à la Révolution de 1830. Assurément il y a une parenté plus prochaine entre les deux révolutions anglaises et les deux révolutions françaises, qu'entre nos troubles du seizième siècle et notre révolution du dix-huitième. Ce sont, si l'on peut parler ainsi,, les grosses ressemblances qui rapprochent les événemens. On voit, aux traits généraux, s'ils sont de la même famille, et ces ressemblances suffisent pour qu'il soit très légitime de les com parer et très sage d'étudier les uns pour comprendre l'esprit gé néral et la portée des autres. Il y aura toujours assez de diffé rences pour que la Providence ne soit pas accusée de se copier elle-même. Eh bien! ces traits généraux de ressemblance existent-ils entre la révolution de 1688 et la révolution de 1830? Est-ce par igno rance et par grossièreté de vue que le public a été si frappé de leur air de famille? Est-il vrai, comme le dit M. Barchou, que îou.le la ressemblance se réduise à ceci, que dans les deux pays un roi a été chassé, et qu'à sa place on a mis son plus proche parent sur le trône? Notez bien qu'à ne prendre même que les plus gros traits des événemens, ce n'est pas tout. Dans les deux pays, une première révolution a renversé la royauté et fondé momentané ment la république ; dans les deux pays, un chef militaire a profité de l'anarchie pour s'emparer du pouvoir; dans les deux pays, le vieux trône s'est relevé comme par miracle pour recevoir la famille et les successeurs légitimes du dernier roi, décapité par la révolution. Dans les deux pays la restauration s'est abîmée sous le poids de ses propres fautes, et n'a pas pu aller jusqu'au bout du second ïègne, malgré la bonne volonté de la nation. Dans les deux pays...

À propos

Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.

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