Extrait du journal

genre commence à passer de mode. On est d'ailleurs fatigué de cet éternel duc de Richelieu dont la fatuité et les allures conquérantes agacent singulièrement les nerfs. Le Vaudeville l'a depuis longtemps abandonné, et si on le supporte encore dans la comédie d'un ordre plus élevé, c'est parce qu'il y a pour ainsi dire prescription en sa faveur. Il n'y est plus toléré cependant qu'à l'état d'invalide en retraite. Ce grand vainqueur, dont les moyens de séduction les plus irrésistibles consistaient à cor rompre des femmes de chambre, ou à verser des narcotiques, serait aujourd'hui voué àla police correctionnelle, ou à la ridicule punition du vitriol. Que nous sommes loin avec lui, du type grandiose et philosophique de Don Juan ! C'est une bien amusante histoire qu'on nous a conté l'autre soir au théâtre du Vaudeville. M. de Suzor, un ancien vi veur deux fois millionnaire, a épousé, à un âge déjà mûr, une jeune et jolie femme. Il vit depuis lors en homme rangé, comme un bon bourgeois. Mais, pendant l'absence de sa femme qui était allée voir une vieille tante à Perpignan, notre homme, entraîné par son ami Brocard, a commis la faute de souper au café Américain en compa gnie de quelques gais compagnons. Une aimable cocotte, Mlla Paquita, s'était in vitée à ce souper. Suzor, mis en train par quelques verres de Champagne, s'est mon tré pressant auprès de Paquita, et cette demoiselle a profité d'un de ces momens d'oubli où Jupiter lui-même, s'il faut en croire les anciens, prêtait à rire aux dieux, pour prendre dan 3 la poche de Su zor la photographie de sa femme. Ce ne serait encore rien si le bonhomme, au sortir de table, ne s'était point passé la fantaisie de rosser quelque peu le guet sur le boulevard, comme on faisait au temps de la Régence. En d'autres termes, Suzor a répondu...