Extrait du journal
plus passionnées. Presque toujours les bruits répandus I ce propos soQt inventés à plaisir ; mais on compte et on a quelquefois raison de compter sur la crédulité publique. Notre devoir, à nous, est de l'éclairer. Nous croyons donc pouvoir déclarer ici que tous les ministres ont été parfaitement d'accord sur la question d'attribution judi ciaire qu'ils ont eue récemment à résoudre. Cette décision a été prise à l'unanimité. Pas une voix ne£est élevée ponr la combattre, pas une n'a demandé le renvoi du procès devant la Cour des Pairs ; aucun des membres du gouvernement ne s'est trouvé en contra diction avec un autre ; celui des ministres dont on signale l'oppo sition vive et opiniâtre àla mesure qui a été arrêtée, a constam ment partagé l'avis de «es collègues et a voté comme eux. Voilà la vérité sur ce qui s'est passé dans le conseil. Qu'on juge après cela de l'intention qui a cherché à donner crédit à des assertions con traires. Et non seulement le cabinet a été unanime sur cette question comme sur toutes eelles qui l'ont jusqu'à ce jour occupé, mais per sonne n'aurait compris qu'il en fût autrement. De quoi s'agissait il en effet? Du jugement de la conspiration du 30 octobre. Une fois les conseils de guerre écartés , quel doute pouvait s'élever sur le choix de la juridiction à saisir ? Est-ce que la Charte a investi L? Cour des Pairs dn privilège de juger tous les attentats à la sû reté de l'Etat, sans exception? Disons mieux : est-ce qu'elle lui a imposé ce devoir? La Charte laisse à cçt égard toute latitude au gouvernement, et les lois de septembre, faites pour assurer le res pect et l'exécution de cette loi fondamentale, n'ont en rien dérogé à ses dispositions. Le gouvernement est juge des circonstances qui lui commandent de recourir à la juridiction de la Chambre des Pairs, comme de celles qui lui permettent de s'adresser àla jus tice ordinaire. C'est question de politique et non de légalité. Que le gouvernement saisisse la Cour des Pairs d'un seul accusé, comme dans le procès d'Alibaud, eu qu'il en traduise àsa barre au delà d'une centaine, comme dans celui d'avril, son droit est le même. Ce qu'il consulte , ce n'est si le nombre des prévenus ni même la gravité de la cause, ni la vivacité des passions qu'elle excite, e'est l'intérêt de la justice et du pays; et il faut qu'il en soit juge à lui seul ; il faut qu'il se meuve à l'aise dans ce droit poli tique d'attribution judiciaire que la uharte n'a limité que par la responsabilité ministérielle; il faut qu'il prononce librement et sans contrôle; car c'est en cela que réside sa puissance de répres sion des crimes et des désordres qui affectent la société politique ; c'est à ces conditions seules qu'il peut assurer â l'Etat son indé pendance et sa sécurité. Dans la question qui nous occupe, le gouvernement était par faitement le maître de renvoyer les accusés du 30 octobre devant la Cour de Pairs, s'il l'avait voulu. La Cour des Pairs aurait accueilli cette attribution d'un procès nouveau avec l'austère résignation du devoir, et elle l'aurait jugé avec l'admirable dévouement qu'elle a toujours mis au service de la justice et des lois. Si le gouverne ment a mieux aimé saisir. les tribunaux ordinaires, ce n'est donc pas de sa part défiance de la Cour des Pairs, à Dieu ne plaise 1 On ne croira pas non plus que ce soit regret du passé ; ce n'est pas au gouvernement àse repentir du passé, ni à la Chambre des Pairs à se plaindre d'avoir trouvé une mémorable occasion de dé fendre par son courage la Constitution menacée, la justice outra gée , la société toute entière mise eH péril par la révolte des ac cusés contre leurs juges, Cette entreprise était grande; et même, nous le savons, quelques hommes, aussi distingués par leurs lu mières que par leur patriotisme, la crurent impossible; et cepen dant la Chambre des Pairs l'a terminée à son honneur; elle en est sortie plus forte, plus puissant? et plus respectée qu'elle n'y était entrée. Est-ce là ce qui pourrait inspirer des remords au gouverne ment et à la pairie? Est-ce là ce qui justifierait les défiances qu'on se plaît à prêter aujourd'hui aux membres du cabinet? Assurément non. Si un nouveau péril se présentait, la Cour des Pairs est en core là ! Le gouvernement le sait. 11 ne balancerait pas à lui de mander encore une fois l'appui de sa haute juridiction. Ce qu'il a fait, le gouvernement le ferait encore dans les mêmes circonstances. 11 n'a renoneé à l'emploi d'aucune des armes de défense que la constitution du pays a remises entre ses mains. Mais la situation de la France permettait aujourd'hui, dans le choix d'une juridiction pour le jugement de l'attentat du 30 octo bre, de se décider pour la justice ordinaire. Dans les temps calmes, c'est le parti le plus simple et le meilleur. Sans doute les accusés de Strasbourg sont tous plus ou moins des hommes importans ; le crime qui leur est imputé est un des plus sérieux qui se puissent commettre. Mais l'impuissance désormais bien démontrée de pa reilles tentatives diminue singulièrement leur valeur politique ; et le ridicule qui s'attache à de hautes prétentions soutenues par de faibles moyens, à de vastes espérances qui n'embrassent que des chimères, ce ridicule est une sorte de justice anticipée qui rend le devoir du juge plus facile. D'un autre côté, nous cherchons les sympathies politiques qui peuvent s'attacher aux auteurs de la tentative insensée du 30 oc tobre ; nous cherchons les passions qui pourraient essayer d'arrê ter le cours de la justice ou d'intimider ses organes, et nous ne voyons autour des aecusés de Strasbourg qu'une immense réproba tion ! De telle sorte que les juges auront plutôt à se défendre contre ce sentiment qui est universel aujourd'hui, et qui ne doit pas les dominer, que contre les menées fanatiques des partis. Telle est, grâce à la politique de notre gouvernement, la situation du pays....
À propos
Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.
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