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Journal des débats politiques et littéraires, 6 novembre 1838

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Journal des débats politiques et littéraires
6 novembre 1838


Extrait du journal

mensonge avec lequel on a attrapé des signatures en province en supposant un vœu émis, une initiative prise par la garde nationale de Paris, ne deviendra pas trop grossier pour qu'on ose le porter à la tribune? Qui est-ce qui voudra s'expof er à recueillir des huées universelles et à faire rougir ses propres amis en assurant qu'il n'y a plus de partis en France depuis que la pétition pour la réforme électorale est devenue le traité de paix qui les a tous réconciliés? Vous .figurez-vous un orateur dévot réclamant d'un air évangélique le suffrage universel au nom de trente millions de catholiques opprimés dans leur foi, et pour faire cesser l'horrible impiété du budget qui alloue un traitement aux rabbins et aux ministres du culte protestant ? Toutes ces belles choses, et bien d'autres encore aussi vraies, aussi sages, s'impriment dans les jour naux réformistes. Nous serions enchantés de les voir reparaître àla tribune ; mais, hélas 1 il est bien pro bable que la convocation seule des Chambres en fera justice. Au moins l'Opposition se croira-t-elle tenue sans doute d'expliquer à la Chambre ce qu'elle entend et ce qu'elle veut par la réforme électorale. Faut-il que tous les gardes nationaux de France soient électeurs et éligibles ? A la bonne heure ; c'est le suffrage universel, le suffrage universel armé. Sur une question aussi nette nous verrons combien l'Opposition aura de voix dans la Chambre. L'Opposition repoussera-t-elle comme une folie cette extension sans limites du droit de suffrage ? Elle voudra bien nous dire apparemment commentelie a sou tenu une pétition qu'elle trouve folle , comment elle a poussé les gardes nationaux à la signer et à demander une folie, comment elle nous accuse, nous, d'insulter la garde nationale quand nous disons que ce serait une folie de jeter subitement quelques millions de gardes nationaux dans les collèges électoraux. En épousant la pétition telle qu'elle est, l'Opposition se déclare pour le suffrage universel, et par cela même achève de perdre tout crédit dans la Chambre. En la dénaturant pour la soutenir, l'Opposition se convainc elle-même de mau vaise foi, et donne la plus étrange marque de mépris à ceux dont elle n'a surpris les signatures que pour venir leur dire à la face qu'ils sont bien capables d'être péti tionnaires , mais qu'ils ne le sont pas d'être électeurs 1 Nous désirons aussi beaucoup savoir au nom de qui seront présentées les pétitions. C'est encore une question qui ne sera éclaircie qu'à la tribune. Est-ce au nom des gardes nationales parmi lesquelles il s'est trouvé des si gnataires ? Est-ce comme gardes nationaux que ceux-ci ont signé, comme gardes nationaux qu'ils demandent le droit de suffrages ? Alors les pétitions tombent néces sairement dans le cas de la loi qui a défendu aux gardes nationaux de délibérer et de se mêler, en cette qualité , des affaires de l'Etat. Il faudra voir si nos grands zéla teurs de la liberté oseront soutenir à la tribune qu'il est sans inconvénient, sans danger, qu'un corps armé in tervienne dans les débats législatifs et jette aux Cham bres ses pétitions menaçantes ! Aujourd'hui les journaux réformistes ne sont pas du tout embarrassés. Leur cite t-on l'article de la loi, de cette loi libérale et sage qui n'a pas voulu que la garde nationale fût exposée à abuser de sa force ? Ce ne sont plus que de simples citoyens qui ont signé. Veulent-ils au contraire donner aux pétitions un air de menace? Ce sont toutes les gardes nationales de France qui signent, celles des villages comme celles des villes, officiers en tête, par compagnie et par bataillon. Tantôt on nous dit : est-ce que pour être garde na tional on n'est plus citoyen? Est-ce que le caractère de garde national et les obligations qui en résultent suivent le citoyen partout, même quand il a dépouillé l'uni forme, même quanti il est rentré chez lui? Et tantôt : comment le gouvernement et les Chambres oseraient ils résister au vœu de toutes les gardes nationales, de cette milice qui a la force? A la tribune on contraindra bien l'Opposition à sortir de ce retranchement d'équivoques et de duplicité. On la réduira àla misérable ressource de dire qu'il n'est in terdit à la garde nationale de se mêler des affaires de l'Etat que quand elle a le sac sur le dos et le fusil à la main ; ou bien il faudra qu'elle convienne que ces péti tions, présentées avec tant d'éclat au nom des gardes...

À propos

Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.

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