Extrait du journal

Co n'est pas encore cette année que le budget sera discuté à tête reposée et en temps normal. Bien que nous ayons évité les douzièmes provisoires, le projet de budget de 1909 ne sera déposé que le 19 mai, à la rentrée des Chambres, ce qui est une date assurément trop tardive pour que l'examen puisse commencer au Palais-Bourbon avant la lin d'octobre, suivant le mau vais usage passé dans les mœurs parlementaires. Ce retard s'explique un peu par les élections municipales qui ont prolongé au delà du terme normal les vacan ces de Pâques, mais cette circonstance était connue d'avance, et c'était une raison de plus pour que le budget fût déposé à la Chambre avant son départ. C'est ce que M. Caillâux aurait fait vraisemblable ment s'il n'avait rencontré dans la préparation de son travail des difficultés qui sont et qui seront de plus en plus grandes chaque année. Dès maintenant il est visible que la période des plus-values est close au moins pour un certain temps. Le rendement des impôts pour les quatre premiers mois ne laisse sur ce point aucun doute. Los chiffres, : ~ de 1907, qui doivent servir dé juge aux prévisions de 1909, ne sont pas atteints cette année et ne le seront vraisemblablement pas l'an proehain. Il est donc fie la prudence la plus élémentaire de n'escompter au cune aubaine comme celles qui ont permis de boucler ' vaille que vaille les deux derniers budgets. Ce n'est ; pas même de la prudence, c'est de la probité la plus vulgaire. Malheureusement, en regard dè recettes fléchissantes se présentent des dépenses grandis santes. Toutes les lois votées au petit bonheur, sans étude approfondie de leurs conséquences financières, font maintenant sentir leur influence. La loi d'assis tance aux vieillards, qui a déjà donné lieu a des supplé ments de crédits dès le premier exercice, exige cinq millions do plus pour l'exercice prochain, et le mieux qu'on puisse espérer, sans y compter le moins du monde, c'est que cetto majoration sera la dernière. Le ministère de la guerre réclame de son côté une quin zaine de millions pour construire des mitrailleuses: il n'est pas interdit de croire que dans ce chiffre se glissent insidieusement quelques dépenses occasion nées par le Maroc. Pour compenser ces nouvelles dépenses, et plu sieurs autres dont on ne donne pas le détail, mais dont nous avons signalé le caractère inévitable lors des votes qui les ont amorcées, il est question de réaliser quelques économies. Le Conseil des ministres de samedi va s'occuper d'en trouver quelques-unes, au moins sur le papier. Personne n'a d'illusions sur le résultat de ce travail dp compression budgétaire. On ne trouvera rien de sérieux à économiser, parce que la condition préalable de toute économie fait cruellement défaut. Ce n'est pas en accroissant les attributions de l'Etat, en multipliant les fonctionnaires chargés de tout contrôler, de tout inspecter, de tout régenter, qu'on peut diminuer les dépenses publiques. Pour laisser soufflerie contri buable il faudrait changer d'abord notre mentalité politique, pratiquer une large décentralisation admi nistrative, enrayer la manie protectionniste qui im pose au budget des primes de toute espèce, mettre un frein à la surenchère démagogique qui prétend char ger l'Etat du bonheur universel, en un mot rejeter le joug socialiste et jacobin. Il est difficile de croire que nous en soyons là quand on voit en tète de l'ordre du jour du Sénat le rachat de l'Ouest et en tête de l'ordre du jour do la Chambre le projet d'lmpôt sur le revenu de M. Caillaux....