Extrait du journal

Le président du Conseil municipal adresse à la population parisienne un appel plein de bon sens. Il y a dans les affaires un marasme qui ne date pas d'aujourd'hui, mais qui est fâcheusement accru par l'état d'esprit dépri mant qu'on appelle la « psychose de guerre », pour ne pas dire en bon français « la peur de la guerre ». On n'ose rien entreprendre, parce que tout le monde n'a pas la force d'âme du vieux Taciturne qui n'avait « pas besoin d'espérer pour entreprendre ». Il est excellent d'exhorter le public à plus d'ini tiative, car il y a des raisons d'espérer que l'optimisme réfléchi permet de discerner. Mais il faut bien se dire que le marasme tient à d'autres causes qu'aux menaces de guerre proférées par les dictateurs. Il y a des erreurs morales et des aberrations so ciales dont l'action délétère n'est pas près de finir, d'autant plus que la cure de réflexion et de relèvement commencée depuis un an ne paraît encore, à beaucoup d'égards, ni com plète ni assurée de l'avenir. Beaucoup de gens thésaurisent. Il est facile de leur montrer qu'ils ont tort, que le franc actuel est solide, et que d'ailleurs, s'il se dépréciait par suite de nouveaux événements, les billets entassés dans le bas de laine per draient leur valeur comme les autres. Ils ne vous diront pas le contraire, mais ils se rap pellent le moratoire des banques au début de la dernière guerre. On a commis à cette épo que la faute, pour sauver un établissement de crédit, d'empêcher les autres de rembour ser leurs dépôts à vue, ce qu'ils étaient en état de faire et ne demandaient qu'à faire. L'homme qui ne vous répond rien quand vous traitez sa défiance de maladive et déraison nable est peut-être convaincu, mais il a de la mémoire. On ne recommencera pas, lui dit-on. La situation est différente. Sans doute, mais chat échaudé craint l'eau même froide....