Extrait du journal
; PARIS, 7 MARS. "La séance d'aujourd'hui sera la séance de clôture de la session , sous le rapport politique , et cette séance, par la dignité de langage et l'élévation d'idées qui caractérisent les discours de MM. Périer et Guizot, est digne de couronner une session ,où tant de choses graves et importantes ont été décidées , et qui méritait de finir au trement que par les mesquines réductions et les tracasseries de ménage du budget. M. le président- du conseil a exposé avec une netteté admirable l'état de nos relations extérieures. La Belgique est reconnue solen nellement par la France et l'Angleterre unies dans ce noble patro nage. L'Opposition, qui ne peut pas renoncer à ses prédictions chéries de guerre imminente , demande quand seront échangées toutes les ratifications. M. le président du conseil, sans prophétiser le jour et la minute où les cours d'Autriche, de Prusse et de Russie accéderont au traité de Londres , croit pouvoir dire cependant qu'il a l'assurance que cette adhésioti ne se fera pas long-temps attendre. Quant à nous, nous n'avons jamais bien compris 1 importance attachée à l'adhésion des Cours retax-dataires. Comme argument d'opposition, comme moyen de taquiner le ministère, comme apo logie, tant bonne que mauvaise, des pi-ophéties belliqueuses de certaines personnes, nous concevons l'obstination avec laquelle on dëmande quand viendiont ces ratifications. Mais est-ce une crainte sérieuse? Voit-on là on danger pour nous et pour la Belgique? Non, certes. En effet, il y a une réflexion bien simple, que tous les hommes de bon stns ont pu déjà faire : C'est que dans ce procès ,où le sort de la Belgique est, dit-on , mis encore en question, nous avons ,en terme de droit, la posses sion. La Belgique est, à l'heure qu'il est, séparée de la Hollande ; elle a son Roi et sa loi à part ; c'est un Etat indépendant ,• or , que demandons-nous? que nous conteste-t-on , ou que veut-on nous cbutesfqr? Ce que nous demandons au procès, et ce qu'on nous conteste , cest précisément l'indépendance de la Belgique. Puis donc que là Belgique est aujourd'hui un Etat indépendant, nous avons la possession dë l'objet débattu , nous pouvons attendre , et la Bel gique aussi. Les ratifications seraient urgentes si nous n'avions pas la possession , si la Belgique n'était pas indépendante, si Guillaume était à Bruxelles, et s'il n'en devait sortir que le jour où les ratifications seraient toutes échangées. Alors il y aurait lieu de craindre l'incertitude en pareille matière ; alors il faudrait s'inquiéter du jour où elles arriveront. Mais tel n'est pas l'état des choses. Les ratifications peuvent tarder, si cela convient, peu im porte. L'existence de la Belgique n'en est pas moins patente aux yeux de l'Europe , et quoique tous les notaires n'aient pas encore signé l'acte, Bruxelles n'en est pas moins en pleine possession de son indépendance. C'est la l'avantage que nous avons contre nos parties adverses : nous sommes en possession. Cet avantage est grand. La Hollande ne s'y trompe pas. Chaque jour ses journaux gourmandent ce qu'ils appellent la coupable indifférence des cours de l'Europe. Chaque jour ils demandent compte aux souverains de leur conduite étrange dans la lutte qu'ils ont à soutenir, dans l'intérêt du principe mo narchique contre le principe de la l'évolution de 1 830. Vous vous contentez , disent-ils , d'attendre, de regarder faire, de ne pas rati fier ; et pendant ce temps la Belgique est debout, la Belgique, écla tant démenti donné au congrès de Vienne , la Belgique, fille* Je la France et de la liberté de juillet. Les journaux hollandais ont raison. La Sainte-Alliance se discrédite en laissant ainsi la possession à la révolution de 1 830. Demandeurs timides qui se bornent à ne pas accéder au projet de transaction sans oser l'attaquer au grand jour, ils nous laissent tous les avantages du rôle de défendeurs, c'est-à-dire la jouissance. Quand nous attendons, nous, ce n'est pas faiblesse; car nous sommes nantis ; nous avons l'objet du débat entre les mains : il n'y a donc pour nous ni honte ni péril en la demeure. Quant à la Sainte-Alliance, si elle existe encore , dans le procès qu'elle soutient contre, nous au sujet de la Belgique, comment attend-elle? Elle attend les mains vides. Quel est le meilleur rôle? Nous le demandons à tout homme de bonne foi. Après la Belgique vient la Pologne. La Pologne subit dans ce moment les conséquences d'une désastreuse conquête ; mais l'Eu rope , nous l'espérons , veille sur elle pour lui conserver au moins la nationalité imparfaite et équivoque que lui avait laissée le Congrès de Vienne. Puissions-nous , dans les négociations que nous avons commencées à ce sujet, trouver plus d'appui dans les cours de l'Europe que nous n'en avons trouvé pour sauver la Pologne des malheurs qui l'ont accablée. Reste l'ltalie. Ici la question est flagrante encore ; rien n'est accompli ; les négociations sont pendantes : nous approuvons donc la réserve du président du conseil au sujet de notre expédition d'Ancône. La même l'éserve n'étant pas imposée aux autres orateurs, la question de l'ltalie ne pouvait pas manquer d'être traitée. Elle l'a été; mais pei'sonne, ni dans l'Opposition, ni dans la majoi'ité , ne s'est beaucoup occupé des détails de cette expédition ; chacun sentant que des détails encore mal connus ne peuvent pas servir de base à une discussion. C'est donc du but et de l'esprit de cette expédition qu'il s'est agi entre les orateurs de l'Opposition et de la majorité. Or, àce sujet, nous nous sommes déjà expliqués assez nettement dans ce journal, pour qu'il ne soit guères besoin d'y revenir. Nous voulons l'indépendance de l'ltalie. Il n'y a pas d'indépendance pour un pays si un Etat voisin a droit de décider en arbitre exclusif de ses affaires. I! faut au pouvoir de cet arbitre un conti*e-poids ,un contrôle , une digue. Avec un seul protecteur , l'ltalie x-omaine se rait esclave de ce protecteur; avec deux, elle sera libre ; car ses deux patrons se contenant mutuellement l'un l'autre, aucun ne sera tenté ou ne sera capable de changer en rôle de maître et seigneur son rôle de patron. Tel est le but de notre intervention en Italie. Nous...
À propos
Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.
En savoir plus Données de classification - guizot
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