Extrait du journal
• PARIS, 8 MARS. La discussion générale n'était close que pour la forme, elle s'est rouverte aujourd'hui, et nous nous en félicitons. Au milieu d'une question d'économie, M. de Lafayette a demandé la permission de ramener i'atteption de la Chambre sur la poli tique générale ; du traitement des ambassadeurs , nous avons passé à leurs instructions ; il ne fallait rien moins que les égards de la Cbambre envers l'illustre général, pour légitimer cette infraction à ses usages parlementaires. Le précédent est heureux : la réponse de M. Périer est peut-être une des plus brillantes et des plus heureuses improvisations qui aient eu lieu dans nos assemblées législatives. Nous ne sommes pas de ceux qui se plaignent de la diplomatie faite à la tribune , quand elle se renferme dans les limites et dans les convenances d'une discussion parlementaire ; nous n'avons ja mais cru que les relations politiques du pays fussent lettre close à l'examen.passionné, et souvent même injuste de l'Opposition. Quoi qu'en disent quelques esprits timides, cela n'entrave pas les négo ciations , et les deux dernières séances sont de nature à les faciliter. Il y a d'abord un fait incontestable qui en résulte : c'est une sin gulière modification dans ce besoin aveugle de guerre qui depuis dix-huit mois transformait toutes nos discussions de politique exté rieure en autant d'occasions de désordre et de scandale. On était aiors|en droit de se demander si, pour n'avoir pas la guerre à la fron tière, il ne fallait pas se résoudre à l'avoir dans la Chambre, comme on l'avait évitée sur le Rhin il y a six ans, en la portant soi-même sur le Tage. Il n'eu est plus ainsi. Ce fait, et il est important, s'adresse à tout le monde, aux étran gers comme à nous. La France discutant ses intérêts politiques, la main sur la garde de son e'pée, ainsi que le disait hier M. le prési dent du conseil, nous semble au moins aussi forte, aussi puis sante , aussi redoutable que la France brutalement jetée hors de ses frontières avant qu'elles fussent menacées. M. de Lafayette a demandé au Gouvernement un langage hau tain avec les puissances étrangères : nous nous contentons d'un lan gage élevé : que nos ambassadeurs parlent au dehors comme M. Pé rier à la tribune , et nous ne savons pas qu'on puisse exiger de notre politique extérieure plus de convenance , de raison et de dignité. Nous avons été encore aujourd'hui ramenés par l'honorable gé néral à Varsovie, à Bruxelles, à Aucône , à Lisbonne , partout en fin oh se débattent les intérêts de laFrance et de ses alliés. En Belgique, M. de Lafayette croit que les positions de l'année du Nord valaient mieux que les protocoles de la Conférence de Londres. Cela veut dire tout simplement que les Français gagne raient plus vite une bataille que les étrangers ne ratifient un traité. Mais il y a quelque chose de mieux qu'une bataille gagnée ; c'est une parole tenue ; et avec un accent de loyauté et d'éloquence, au dessus duquel on ne s'est peut-être jamais élevé, M. Périer s'est écrié : u Hé bien ! Messieurs , moi aussi je m'adresse à cet illustre maré » cbal qui nous a rendu de si grands services en commandant notre » armée en Belgique. Il a obéi aux impulsions du gouvernement, » du gouvernement qui avait interprété les véritables principes de « cette révolution de juillet , qui étaient d'être fidèles à notre pa x rôle , sous la condition qu'on serait aussi fidèle à celle qu'on nous » avait donnée. » Empêcher les Prussiens de fusiller les Polonais qui ne veulent pas retourner sous le régime du knout et de la Sibérie ! Nous le parta geons, ce vœu toutpbilantropique de M. de Lafayette. Et qui , plus que nous, s'est associé à la lutte de là Pologne? qui, plus que nous, a tressailli de ses victoires et gémi de ses désastres? Mais , en vé rité , notre rû'e politique vis-à-vis des glorieux débris de cette héroïque nation , ne commence plus qu'à Ta frontière , et puisque c'est la nôtre , vers laquelle ils acheminent leur noble infortune , tendons-leur les bras de l'hospitalité. Le gouvernement ne les leur a-t-il pas ouverts ? La question européenne n'en reste pas moins le but des négociations ; et l'exécution des traités de 1 814 le résultat promis à nos efforts comme à ceux de nos alliés. M. de Lafayette ne peut se défendre de la joie que lui a causée l'apparition du pavillon tricolore en Italie. Pour qui , pour quoi s'est faite l'expédition ? Contre qui ? contre quoi ? N'importe. Eh bien ! nous le savons aujourd'hui, pourquoi nos soldats sont partis, pourquoi ils ont débarqué. Il s'agit de rendre impossible ce retour périodique d'une intervention étrangère que nos intérêts politiques nous défendent de tolérer. Il s'agit d'améliorer le sort des Légations , de telle sorte qu'elles n'aient pas besoin tour à tour de s'insurger et de se protéger avec des baïonnettes étrangères •contre l'autorité du Saint-Siège. On voit qu'il n'est pas question d'assurer l'exécution des derniers édits du cardinal Albani; il s'agit «de garantir celle des uremiers ; il s'agit de les améliorer encore, s'il est possible , de tout ce que leur imparfaite exécution et ses consé quences ont pu donner de lumières et de prudence au Saint-Siège. Il s'agit en même temps de maintenir la souveraineté temporelle du Pape ; il s'agit même d'y trouver une garantie nouvelle pour les intérêts moraux et spirituels dont M. Casimir Périer a eu le courage .et la haute raison d'avouer la solidarité pour la révolution de juillet. Nous ne suivrons pas M. de Lafayette dans toutes ses autres di gressions sur les affaires de la Grèce et du Portugal. M. Périer, qui avait r'épondu à toutes les interpellations de l'orateur, ne s'est arrêté que là où les paroles pouvaient devenir un danger, non pas minis tériel , non pas personnel, mais un danger public, et jamais ie si lence n'avait .été plus noblement élevé à la dignité , à l'autorité du droit! Ce n'est pas là se taire, c'est gouverner à la tribune. En un mot, nous nous félicitons, et nous nous félicitons vive ment que la discussion se soit rouverte sur la politique générale ; l'impression des paroles 'du président du conseil est une impression qui ne s'efface pas. Elle passera de la Chambre dans le pays, et du pays en Europe; nous la retrouverons demain dans l'assemblée , lorsqu'elle aura à délibérer sur tous ces nombreux amendetnens qui...
À propos
Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.
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