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Journal des débats politiques et littéraires, 8 septembre 1838

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Journal des débats politiques et littéraires
8 septembre 1838


Extrait du journal

miques que l'habit polonais , changé ien haillons peut-être par la misère , mais glorieux et chéri dans son délabrement , et qui , tout déchiré qu'il était souvent par le knout moscovite, était encore pourtant sur le dos du plus misérable paysan comme un dernier étendard de l'indépendance nationale. Ah! quand nous parlions de la destruction du royaume de Pologne tel que l'avait fait le Congrès de Vienne, quand nous réclamions contre l'abolition de la Constitu tion polonaise et contre l'intrusion du statut organique de février 1852, peut-être y a-t-il eu des personnes qui se disaient : « Après tout ce ne sont là que des querelles politiques. On peut vivre sans Constitution ; et quant aux stipulations du traité de Vienne, que les diplomates se disputent à cet égard : tout cela ne porte pas atteinte aux individus, tout cela n'empêche pas te peuple de faire ses affaires : trêve enfin aux théories ! » Qu'en pensent maintenant ces positives personnes ? Qu'en pense leur insouciance qui semblait pleine de bon sens? La tyrannie s'est avec le temps appesantie de haut en bas. Hier c'é tait des abstractions qu'on abolissait, un royaume, une Constitution, et le beau monde pouvait rire. Aujourd'hui ce sont les habitudes les plus intimes de l'homme qui sont supprimées et abolies ; aujourd'hui l'homme souffre non plus dans sa vanité ou dans son orgueil, il souffre dans sa parole et dans son vêtement. Ces abstractions tant moquées servaient de garanties et de boulevards ; la Constitution polonaise gardait le vêtement polonais. Les gens si faciles à se résigner à la tyrannie, grâce à leur courte vue, doivent donc comprendre aujourd'hui le lien secret des choses, et pourquoi il est bon que l'indi vidu défende ce tout abstrait qu'on appelle un Etat. Défendez vos frontières et vos lois, ou demain vous aurez à défendre votre corps contre le fouet du bourreau. Que voulons-nous en parlant comme nous le faisons en ce moment? Voulons-nous la guerre? Non. Nous voulons seulement invoquer contre ces odieuses ri gueurs la conscience publique de l'Europe et attester la mora}e et la justice si indignement outragées. D'autres diront ce qu'on peut appeler le ridicule dans l'abomi nation , ces dépôts d'habillemens dans chaque village, ces livraisons à prix fixe ou au-dessous du cours, ces rabais de tailleurs, ce langage de fripperie mêlé de menaces de verges. Hélas 1 le ridicule n'affaiblit pas la cruauté. Mais ce que nous demandons à la Rus sie, au nom même de sa grandeur et de sa gloire, c'est d'examiner ce que peuvent amener de pa reilles oppressions, c'est de rechercher si c'est de cette manière que des empires qu'on accuse la Russie de vouloir imiter, si c'est ainsi que la Macédoine et Rome sont parvenues à conquérir le monde ; si c'est sur le mépris et le bouleversement des institutions et des usages des peuples vaincus ou sur leur maintien et leur amélioration qu'elles ont fondé leur puissance ; si c'est en maîtrisant brutalement les hommes ou en les di rigeant d'une main habile qu'elles ont gouverné l'uni vers. Les vieux et grossiers soldats d'Alexandre se plai gnaient aussi que leur roi se fît Persan ou plutôt se fît cosmopolite au lieu de rester Macédonien. Ils ne com prenaient de la conquête que le droit de piller et d'op primer. L'élève d'Aristote comprit qu'à cette époque du monde la conquête devait être l'instrument de la civili sation : de là le vaste empire macédonien et la gloire immortelle de son nom. A côté même de la Russie, com ment s'est maintenu , en dépit des violentes secousses de la guerre, cet empire d'Autriche formé de.popula tions si diverses ? Quel est le principe qui le soutient ? C'est le respect des lois, des usages , des habitudes de chaque peuple soumis à sa domination. Lorsque la Rus sie veut des Polonais faire des Russes, quant à l'habit du moins, lorsqu'elle se reprend elle-même de je ne sais quel fanatisme moscovite qui irrite et indigne l'Europe, nous sommes persuadés qu'elle manque à sa vocation et à sa destinée....

À propos

Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.

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