Extrait du journal

Les jolis défauts j Les Annales ont demandé à léurs lec teurs, hommes, et femmes, de nommer lès qualités et aussi les défauts qui leur paraissent le plus souhaitables dans une personne de l'autre sexe. Les réponses viennent d'être publiées : elles sont inté ressantes. Il est remarquable, par exemple, que le défaut que les hommes désirent le plus trouver chez les femmes, c'est la coquetterie. Comme il faut que les femmes aient changé, pour qu'il soit nécessaire de leur demander d'être coquettes ! Ce que prouve une pareille demande, c'est qu'au sentiment de beaucoup d'hommes, elles ont perdu l'art de plaire. Ils leur voudraient plus de charme, plus de piquant, plus de détours, cette finesse dût-elle ne pas aller sans quelque danger pour eux. On rap pelle les femmes à leurs anciens défauts, pour qu'elles redeviennent des femmes. .Chaque fois qu'il s'agit de ces questions, op regrette la pauvreté des termes dont nous disposons. Rien de plus grossier et de plus insuffisant que cette éternelle op position des qualités et des défauts. Si nous pensons aux êtres qui nous ont par ticuiièrçment piu, nous verrons que, pres q\re..toujours, ce qu'il y avait en eux de plus expressif, les pointés mêmes de leur; individu, les traits uniques de leur carac tère, - c'est ce qu'on eût communément appelé des défauts. Ce mot englobe à la fois ce qu'il y a de plus vil, comme l'envie, qui est le signe certain de la bassesse d'une âme, et toutes les façons un peu hardies et singulières d'être soi, qui peu vent aller jusqu'au charmant et jusqu'au sublime. L'homme médiocre, assuré de son excellence, taxe également de ce nom ce qui reste au-dessous de lui et ce qui ie dépasse, et la générosité et la grandeur d'âme seraient, à l'en croire, des défauts très choquants. Il faut observer, d'autre part, que les défauts d'un individu ne f doivent pas être seulement considérés en eux-mêmes, mais par rapport au carac tère dont ils font partie, et selon l'impor tance qu'ils ont prise. Rien de plus sordide, pour une femme, que d'être une coquette. Mais un grain de coquetterie relève à mer veille un caractère qui a d'autres richesses,' et cela lui donne quelque chose de joueur et de malicieux qui peut enchanter. Nos bonnes qualités font l'étoffe 4e-notre na- ! turc;, mais nos .défauts brodent cette étoffe j et y mettent un élément de caprice et de fantaisie que la vertu lie comporte pas. Souvent, en ces matières, on se ferait mieux entendre si l'on quittait le langage ; de la morale pour prendre celui de l'esthé tique, et si, lorsqu'on étudie un caractère, on parlait successivement de ses beautés, ; de ses laideurs et de ses agréments. , Abel Bonnard,...