Extrait du journal
à la Reine Marie-Christine, et le pouvoir concentré dans ses mains sans partage. En d'autres circonstances, cette modération aurait pu sembler généreuse ; mais laisser à la Reine tout le fardeau et toute la responsabilité du pouvoir au milieu d'nne situation presque inextricable, quand on n'a pas craint en d'autres temps de lui for cer la main, c'est une démarche qui semble indiquer que le parti du mouvement a peu de confiance dans ses forces, et cela donne assez bien la mesure de cette démocratie bruyante , qui ne devient prudente et discrète qu'à l'heure du danger. On a nommé aussi une commission chargée d'aviser, de concert avec le gouvernement, aux moyens de terminer la guerre, et l'on peut espérer que libre désormais de toute distraction fâcheuse, l'as semblée va se vouer sans partage, à l'achèvement du grand œuvre de la constitution. C'est une chose vraiment admirable.que la bonne foi avec laquelle ministres et députés s'occupent de la Constitution, et non seulement de la Constitution, mais encore de mille amélio rations intérieures, toutes plus magnifiques les unes que les autres. Ainsi, l'autre jour, M. Lopez, ministre de l'intérieur, lut à l'as semblée qui l'écoutait en grand silence, ud long mémoire sur son administration et sur les nombreuses mesures d'utilité publique dont il compte doter le royaume. Par exemple, il se propose de mettre en exploitation les mines de plomb qui sont ou qui pour raient devenir une des richesses de l'Espagne ; il est question aussi de creuser des canaux, d'établir des ponts et une ligne de chemins de fer (je parle très sérieusement). On a l'espoir que dans l'espace de moins de treùte-cinq ans, ces glorieux travaux seront achevés, et alors on n'aura plus sans doute à s'occuper que du soin de payer sa dette et de terminer la guerre civile, ce qui est une bagatelle. On se reprocherait en vérité de parler légèrement d'un gouvernement placé dans des conjonctures aussi pénibles ; mais un pareil aveugle ment, une telle naïveté, ne sont justiciables que du ridicule. Un autre fait non moins extraordinaire, porté à la connaissance du public par un rapport lu aux Cortès par le ministre de la guerre, c'est qu'il y a aujourd'hui en Espagne deux-cent-quarante mille hommes sous les armes. Où sont-ils et que font-ils? Les Es pagnols sont de bons soldats, braves, sobres et grands marcheurs ; comment donc de semblables forces sont-elles commandées, que rien ne se fait, que depuis le commencement de la guerre il n'y a pas eu à proprement parler une seule bataille, mais seulement des rencontres et des escarmouches de parti où l'on se tue des deux parts quatre à cinq cents hommes sans résultat, pour recom mencer quinze jours après. Puisque j'en suis aujourd'hui à faire la litanie de toutes les mi sères du gouvernement et du peuple espagnol, il faut aussi que je vous dise un mot d'un travers qui à force d'être général et exa géré , produit plus de mal qu'un fléau ; je veux parler de l'em phase habituelle du discours qui dénature les faits à force de les grossir, qui induit de loin les étrangers dans l'erreur et qui rend les Espagnols dupes de leurs propres amplifications. Lisez nn journal espagnol, eelui que vous voudrez, fùt-il le plus sincère et le plus honnête des journaux, lisez une proclamation du gou vernement , un porte d'un général racontant une reconnaissance ou une escarmouche, et dites si l'on ne se eroit pas transporté dans le pays des géans. Tous ces hommes là ont dix pieds de haut, ils ne font que des choses extraordinaires et les expressions les plus fortes de la langue sent insuffisantes pour rendre la prodi gieuse énergie de leurs sentimens. Ce n'est pas de l'attachement qu'ils ont pour la Reine régente, c'est de l'enthousiasme, et ils ne prononceront pas son nom, n'importe à quelle occasion, sans dire au lieu de Marie-Christine tout court, l'immortelle MarieChristine. On nomme une ville, n'importe laquelle, ne croyez pas qu'on dira tout simplement Madrid ou Valence ; il faudra que ce soit l'héroïque ville de Madrid ou l'héroïque ville de Valence ; tous les...
À propos
Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.
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