Extrait du journal

Après le vote de la Chambre, il serait superflu d'in sister sur la discussion qui, dans cette séance encore, a précédé le vote. Nous devons rendre cette justice aux adversaires de notre possession que, tout convaincus qu'ils fussent d'avance de leur défaite, ils se sont battus en désespérés jusqu'au dernier moment. M. Jaubert a essayé d'expliquer la singulière conclusion de son dis cours d'hier. Nous ne croyons pas qu'il y ait réussi. M. Jaubert a beau dire :Si Bone est un charnier, pour nous servir de ses expressions, si l'Afrique n'est qu'un gouffre où s'engloutissent en pure perte nos hommes et notre argent, à quoi bon prendre la pré caution d'interdire aux autres puissances européennes de venir nous y remplacer? Auront-elles plus d'in térêt que nous à y consumer inutilement leurs forces ? Les points qui seraient bons à prendre pour elles sont apparemment bons à garder pour nous. Le meilleur moyen de les en exclure c'est d'y rester, puisque nous y sommes ; et il serait vraiment trop étrange qu'après avoir abandonné l'Afrique , la France s'exposâi à une guerre pour empêcher les autres de profiter de ce qu'elle aurait dédaigné. M. Passy, dans un discours qui a ouvert la séance, a émis une idée que nous ne trou vons guères plus sensée. Selon lui, une partie des diffi cultés que nous avons rencontrées en Afrique est venue de ce que nous y avions trop de forces. Plus faibles, nous aurions été plus justes, plus modérés, plus hu mains; nous aurions moins effrayé les naturels. M. Passy se trompe. La faiblesse n'est pas du tout une garantie de modération. La défiance qu'on a de ses forces pousse très souvent à la violence. Nous aurions moins effrayé les naturels sans doute ; mais pour nous moins craindre nous auraient-ils plus respectés? Cela est singulièrement douteux. Le beau discours de M. Guizot avait d'ailleurs répondu d'avance à la plupart des objections que M. Passy a renouvelées contre l'établissement de la puissance française en Afrique. Nous ne nous étendrons pas davantage sur le débat qui a eu lieu entre M. Mauguin et M. le ministre de l'intérieur. M. Mauguin est probablement le seul mem bre de la Chambre qui doute encore des intentions du gouvernement et qui lui soupçonne l'arrière-pensée d'abandonner Alger. Désormais ce n'est plus là que peut être la discussion. Nous croyons aussi que la Chambre est désabusée des systèmes exclusifs. On ne dira plus au gouvernement : Vous avez pris Constantine, vous êtes donc pour le système de la guerre et de la conquête gé nérale ! Vous avez fait la paix de la Tafna ; vous êtes donc pour le système de l'abandon successif 1 Un établis sement, comme celui que la France commence en Afrique, ne se poursuit pas logiquement et n'est pas l'affaire de quelques années. Les moyens changent, selon la variété des circonstances que le temps amène. Tan tôt on fait la paix, tantôt on fait la guerre ; quelquefois on fait en même temj>s la paix d'un côté et la guerre de l'autre. On se restreint, on s'étend. Il n'est pas plus raisonnable de demander au gouvernement de dire dés aujourd'hui tout ce que nous pourrons faire de notre nouvelle possession. Quel est donc le peuple au mpnde qui en étendant sa puissance sur un point de la terre ait prévu, le jour même, toutes les conséquences de cet agrandissement ? Il y aura encore beaucoup de tâ tonnemens en Afrique; cela est inévitable, et nous...