Extrait du journal

Il y a tantôt cinq mois que refeu l'Odéon jouait un drame où il était question du père adultère. Ce changement de sexe de l'adultère ne fut guères bien vu du public; les hommes tiennent tout autant à leurs privilèges que les femmes, à plus forte raison tiennent-ils à leurs vices. Quand on a voulu nous montrer sur le Théâtre-Français la femme joueuse, les hommes se récrièrent bel et bien que les femmes n'avaient pas le droit de se ruiner sur un tapis vert. A présent que la mode arrive de déclamer contre les maris infidèles, soyez persuadé que si les femmes ne réclament pas tout haut, elles pensent tout bas ce que dit très clairement le Code civil : que ce n'est pas le même crime. Ceci est de la justice, du bon sens et du bon goût. Il ne faut pas changer le sexe des vices hu mains , vous dérangeriez à la fois la société et la comédie, tout autant que si vous les supprimiez tout-à-fait. La belle choie à dire à un juge ou à un poëte comique : Je vous amène, pour que vous les corrigiez comme il convient, une femme ivrogne et duelliste, un homme adultère et grande coquette, un misantrope femelle, une Célimine mâle I A coup sûr vous verrez le juge et son greffier complètement interdits, tout autant que le poëte comique et son comédien. S'ils sont sages l'un et l'autre, le poëte et le comédien, ils diront aux prévenus, avant déjuger ces graves différons : —Accusés, allez reprendre les habits de votre sexe. Cependant telle est la toute-puissance de l'imitation, et si violent est notre penchant de refaire au rebours toutes les choses déjà faites, comme s'il suffisait d'être étrange pour...