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Journal des débats politiques et littéraires, 12 août 1894

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Journal des débats politiques et littéraires
12 août 1894


Extrait du journal

La Cour d'appel, toutes chambres as semblées en chambre du conseil, s'est réunie, hier matin, pour requérir, comme corps constitué, des poursuites pour in jures contre l'lntransigeant. L'injure, en effet, s'étale, sous des formes toujours les mêmes, mais toujours violentes, au delà de ce qu'on peut dire, dans deux arti cles successifs de M. Henri Rochefort. Il faut lire l'lntransigeant tous les jours, ce qu'un homme de goût ne peut faire que par obligation professionnelle, pour savoir à quel point le talent de M. Ro chefôrt est monotone. Depuis trente ans, c'est chaque matin la même chose. Les ministres qui se sont succédé se sont appelés Rouher, de Broglie, Ferry, Constans, Dupuy, gens très différents à coup sûr; mais si on ne les connaissait que parles invectives de M. Henri Roche fort, on croirait volontiers que, sous des noms variés, ils n'ont été qu'une seule et même personne. Les épithètes de coquins, de bandits, de scélérats, de drôles, de gredins, de forçats leur sont appliquées à jet continu, avec une égalité de traitement qui montre à quel point le sentiment des nuances peut s'oblitérer dans un cerveau. Quand M. Rochefort veut accentuer sa manière, il ajoute le « vermineux » ban dit, le « visqueux » scélérat, 1' « infect » drôle, et autres vocables du même genre: si l'on supprime ces qualificatifs, il ne reste absolument rien de M. Henri Ro - chefort. Son esprit est tout entier dans un tic qui est devenu chez lui une se conde nature : peut-être même n'en a-t-il jamais eu d'autre. On est émerveillé qu'un homme ait pu tirer tant d'articles du même procédé. Gela suffit à tout et à tous. Le premier numéro de la Lanterne ressemble au dernier de l'lntransigeant. Jamais homme n'a été plus fidèle à lui même que M. Rochefort. Il n'y a eu, dans sa vie, qu'une déviation passagère. Un ministre, un seul, à trouvé grâce devant lui. C'était, naturellement,le général Bou langer. Hors de lui, point de salut ! On ne songe pas sans effroi à quelle pauvreté intellectuelle un homme se con damne, lorsqu'il se confine, pendant de longues années, dans une spéculation aussi étroite que celle dont M. Henri Ro chefort a fait sa partie. Le pauvre ouvrier qui passe sa vie à arrondir des têtes d'é pingle, rien que des têtes d'épingle, a du moins la ressource de songer à autre chose pendant que ses doigts travaillent toujours machinalement. En somme, peut-être en est-il de même de M. Ro chefort ; on le croit parfois en le li sant, et on le souhaite par un reste de charité pour lui. Combien faudrait il le plaindre s'il pensait ses articles. Heureusement, rien ne l'y oblige : il peut très bien les écrire, ou du moins tout aussi bien, sans y mettre la moindre ré flexion. M. Henri Rochefort est passé maître dans l'art d'invectiver, mais c'est un art très borné, et il en a encore ré tréci les bornes en le dégageant de tout ce qui est jugement, étude, comparaison et discernement. Il est permis de le re gretter, car M. Rochefort a un style re marquablement net, vif et de forme fran çaise, qui aurait pu être mieux employé qu'à radoter rageusement, dans l'injure et la grossièreté. Lorsqu'on a appris que M. Henri Ro chefort allait être poursuivi, on a éprouvé quelque surprise. On s'est demandé s'il avait pu se surpasser lui-même et faire autre chose que ce qu'il fait impuné ment depuis sa dernière condamnation. Nous nous sommes reporté aux deux ar ticles visés par la Cour d'appel avec une curiosité qui a été aussitôt déçue : c'est du Rochefort de tous les jours. La justice nous oblige à reconnaître qu'il n'est pas pire qu'à l'ordinaire. Seulement, il est aussi mauvais, et cela suffit pour légi timer les poursuites. Il est bon de savoir une fois pour toutes si un écrivain...

À propos

Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.

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