Extrait du journal
Nous vivons dans un siècle de lumière et les affaires les plus mystériéuses n'ont plus de secret pour nous. Les « dessous diplomatiques » nous sont obligeamment dévoilés par des ministres ou des diplo mates en disponibilité. Les conspirateurs éerivent dans les journaux l'histoire de leurs conjurations. Il y a comme une émulation de confidences et de confes sions publiques. Les agents de la police secrète ne sont pas les moins zélés à éclai rer la religion de leurs concitoyens. Rien n'est plus fréquent que de voir un de ces personnages sortir de l'ombre discrète qui jusque-là l'avait abrité, et demander à parler au peuple. Il se présente dans les bureaux d'un journal ; il décline sa qua lité ; on s'empresse, on lui fait accueil ; il écrit ses révélations, on les imprime, il passe à la caisse ; le public se jette sur le précieux document, toute la presse le reproduit et le commente, et voilà encore un secret d'Etat qui s'échappe. C'est ainsi que nous avons eu naguère les révélations de M. Dupas. Plus récemment, il nous a été donné de recueillir celles de M. Ducret. Mais dans ce dernier cas il y avait une variante. Ce n'était plus l'agent secret venant raconter quelque épisode' de sa carrière, c'était un journaliste in formant le public qu'il avait reçu quel ques largesses de la police, mais pour le bon motif et afin de se donner le droit d'accuser et de confondre un gouverne ment corrupteur. Ainsi les secrets de la police coulent comme de l'eau et vont se fondre dans le grand courant de la publi cité. Notre curiosité n'a plus rien à dé sirer. Sous ce rapport, nous sommes com blés. A vrai dire, nous ne sommes pas très difficiles sur la qualité des révélations qu'on nous prodigue, ni très dégoûtés en ce qui touche leurs origines. Le public mange de bon appétit tous les plats qu'on lui sert, sans s'inquiéter de la cuisine où ils sont fabriqués. La parole d'un policier, en rupture de secret professionnel, une fois imprimée devient presque parole d'évangile. On croirait avoir mauvaise grâce à exiger des preuves. L'affirmation d'un galant homme suffit. Si le récit contient des invraisemblances un peu grossières, s'il attribue, par exemple, à la police, des actions et des démarches d'une imprudence et d'une naïveté incroyables, on en conclut simplement que la police, non seulement est très immorale, mais encore qu'elle est stupide, d'où il suit qu'on a deux motifs de la mépriser. Et, enfin, les moins crédules témoignent bien quelque défiance, mais ils ne man quent pas d'ajouter qu'il n'y a point de fumée sans feu. Ainsi se répandent beau coup de légendes où il est impossible de faire la part de l'histoire, mais qui ne lais sent pas de produire sur l'opinion pu blique une certaine impression. Nous supposons que la police, et en par ticulier la police politique, n'a rien à ca cher; mais, si, par hasard, elle faisait secrètement certaines choses qu'elle n'ai merait pas que l'on sût, combien son sort serait misérable ! Tout conspire à livrer à la curiosité publique ce qu'elle pourrait avoir des raisons de vouloir lui dérober. Les agents dont elle utilise rait les services seraient autant de colla borateurs désignés pour les journaux ja loux de tout savoir et de tout publier ; et les fonds dont elle disposerait pour ache ter leur silence seraient insuffisants en face de tant de caisses ouvertes pour payer leurs indiscrétions. A propos de quelques affaires assez graves, dans les quelles la haute police politique aurait pu avoir la tentation d'intervenir, nous avons déjà vu paraître plusieurs articles et même plusieurs volumes de révélations scandaleuses. Cela nous porte à croire que la police politique fera sagement de n'avoir pas de secrets, car si elle en avait, au milieu de cette publicité débordante et de ces indiscrétions lucratives, com ment ferait-elle pour les garder. Les beaux jours de la police politique sont passés. Tout au moins ses anciens procédés et ses méthodes classiques sont usés. Ils appartiennent à un autre temps, à un autre régime. Autrefois, la publicité n'était pas ce qu'elle est devenue depuis; la presse était dans l'enfance. Ceux qui...
À propos
Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.
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