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Journal des débats politiques et littéraires, 12 août 1935

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Journal des débats politiques et littéraires
12 août 1935


Extrait du journal

Nous avons déjà remarqué ici, lors des événements du Six Février, et, plus récem ment, lors du défilé du Front Populaire, le 14 juillet, que les manifestations de la multitude, spontanées ou non, renaissent souvent aux mêmes lieux, au long des siècles. La semaine qui s'achève a fait évoquer dans la plupart des journaux le souvenir des émeutes qui ensanglantèrent Toulon et Brest voilà cent quarante-six ans. L'histoire, une fois encore, se répète. Ce n'est pas vainement que les Anciens avaient fait de Clio la fille aînée de: Mémoire et la première des Muses. Com bien il est à déplorer que la mythologie soit une branche désormais abandonnée de la connaissance ! La mère de Clio apprit aux nommes à raisonner et chacune de ses filles portaient, vivante en elle, une part de ce don précieux. Le raisonnement et le souvenir, l'un aidant l'autre, épargneraient aux hommes bien des tribulations. Le rappel des événements survenus à BrèS.dès 1789 fut accompagné de peu de précision parce que la documentation est éparse dans l'immense bibliographie révo lutionnaire. Un seul auteur. Oscar Havard, a consacré à la question un gros ouvrage, en deux tomes, d'un intérêt capital. Cette étude est aujourd'hui épuisée en librairie. La leçon du passé y rejoint, à toutes les pages, les dramatiques enseignements de ces derniers jours. A Toulon, c'est le 23 mars, près de qua tre mois avant la prise de la Bastille, qu'une plèbe hurlante se rebelle, marchant sur l'Hôtel de Ville. Des perturbateurs inconnus ies « éléments troubles » de maintenant ont travaillé la multitude, la persuadant de l'iniquité de certaines mesures publiques. Les fonctionnaires mu nicipaux sont accusés de rançonner arbi trairement les classes populaires. Ne pouvant atteindre ces coupables supposés, la foule se dirige vers la demeure de l'un d'eux, pille les appartements, démolit les murs, accueillant d'une grêle de cailloux ceux qui tentent de s'opposer au saccage. Les bandes se ruent ensuite sur le Palais Episcopal. Le prélat vient de partir. Mais, dans la cour d'honneur, voici sa voiture, étincelante de dorures. Des furieux s'em parent du véhicule, s'attellent aux bran cards. Un instant après, le carrosse est culbuté dans un bassin du port. Ici il faut citer pour expliquer comment se dévelop pèrent et s'étendirent les désordres, ef aussi pour indiquer quelles méthodes, au pouvoir, sont périlleuses. « Cependant la nuit tombe, et l'émeute, chargée de butin, réintègre ses repaires, entre deux haies de soldats du Barrois et du Dauphiné, passifs et muets. Pourquoi cette inaction ? Une récente circulaire ministérielle, suggérée sans doute par les conspirateurs qui médi tent l'amputation de la France, régle mente sévèrement l'emploi de la force armée... Pour faire marcher les troupes, les officiers doivent attendre que le brasier d'un incendie s'allume ou que le sang d'un citoyen coule. Observateur exact de la consigne, le gouverneur de -,Toulon s'est mélancoliquement croisé les bras sur le passage de la bande, désarmé par l'auto rité elle-même devant le crime vainqueur. » A Brest, c'est le 29 juillet qu'éclatent les troubles. Le manque de cohésion, d'unité et d'énergie dans les sphères gouverne mentales, la faiblesse de caractèîe des notables, tout concourt à enhardir les agitateurs. La carence de l'Etat est avouée par un des membres du ministère, Bertrand de Molleville, chargé du département de la marine, et dont les Mémoires sont, eux aussi, presque introuvables. Par lui nous connaissons exactement les graves diffé rends qu'il eut avec plusieurs collègues : « La division du conseil transpira bientôt dans le public ; elle encouragea les mal veillants à nous attaquer et ils ne perdirent point de temps... Le ministère n'avait ni les moyens ni l'énergie nécessaires. » Ainsi la désunion, au sommet, est aussi préjudicia ble à l'intérêt national que l'excès de...

À propos

Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.

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