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Journal des débats politiques et littéraires, 12 juin 1838

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Journal des débats politiques et littéraires
12 juin 1838


Extrait du journal

PARIS, « JUIN. C'est par l'exemple de l'Angleterre qu'on veut entraî ner la France à opérer la réduction de la rente. Pour quoi ne ferions-nous pas une conversion, lorsque les Anglais en ont fait de si fréquentes, lorsque chez eux ce droit est incontestablement le droit commun? Cette objection a été reproduite à satiété. Comment n'a-t-on pas compris, cependant, qu'il n'y avait aucune assimilation possible entre les dettes des deux pays, puisqu'elles étaient constituées sur des bases entière ment différentes? S'il est vrai que l'Angleterre a très rarement converti quelques parcelles de rentes, c'est qu'elle s'en était formellement réservé la faculté. Tou jours elle a stipulé en termes explicites, dans le contrat d'emprunt, le droit de remboursement ; la France, au contraire, n'a jamais fait cette réserve dans les diverses émissions de rentes 5 pour 100. En outre, le mode d'emprunf suivi par les Anglais diffère totalement du nôtre. Ce qu'ils vendent, c'est le capital; ce que nous vendons, c'est la rente. Lorsque nous contractons une nouvelle dette, nous aliénons une somme fixe de rentes, dont le prix est déterminé par l'enchère de l'acheteur. Tel est le système invariable ment suivi chez nous; on en trouvera la preuve notam ment dans les lois de crédit de 1817 et 1818, et dans les procès-verbaux d'adjudication des emprunts autorisés par ces lois. Or, puisque c'est une rente qui a été l'objet du marché, la chose précisément due, c'est l'annuité. Pour agir loyalement, il faut donc que la France acquitte cette annuité, ou qu'elle la rachète au juste prix du marché public. Au contraire, lorsque le gouvernement anglais veut emprunter, il déclare la somme fixe dont il a besoin, et selon la situation il améliore la condition des prêteurs, en accordant plus d'intérêts ou d'annuités séparées, jusqu'à ce que le prix convienne. La concurrence s'é tablit ainsi sur la somme de rentes demandée pour four nir le fonds stipulé. Enfin, très souvent aussi, le gou vernement anglais a consenti à la création d'un capital fictif. Dans ce cas encore, il a procédé de la même ma nière ; indiquant la somme exacte qu'il demandait, et déterminant la quantité de capital fictif qu'il accorderait en paiement indéterminé, toujours sous la réserve du droit de remboursement, et avec la fixation de l'époque où ce droit pourrait être exercé. Il en résulte qu'en An gleterre la matière directe de la convention est un capi tal fixe à intérêt variable, tandis que chez nous c'est une rente certaine avec un capital indéterminé. On le voit donc, les Anglais se libèrent légitimement par le remboursement d'une somme précise, d'abord parce qu'ils s'en sont expressément réservé la faculté, et ensuite parce que la somme offerte est celle-là même qui a été fixée et qui a fait l'objet du contrat ; ainsi ils restent dans les termes rigoureux de la constitution de l'emprunt. C'est dans leurs stipulations qu'ils puisent leurs droits, et non dans l'élévation des fonds publics à un prétendu pair qui n'est qu'un non-sens financier. Mais d'après le même principe qui fait qu'ils s'acquittent pleinement par le remboursement du capital, nous ne satisfaisons à nos engagemens que par le service de la rente, eu par son rachat à juste prix. Du reste, c'est une question fort controversée en An gleterre , que celle de savoir si les réductions sont de bonnes opérations de crédit public. Tout légitimes qu'é taient ses remboursemens, ce système, en réalité, lui a coûté très cher. L'intérêt privé sera toujours plus clair voyant que les plus subtiles génies financiers. A dater du moment où pour la première fois elle a fait usage de son droit, ses nouveaux créanciers ont su se mettre presque entièrement à l'abri des réductions futures ; ils y ont réussi par des moyens très simples. Quelquefois ils ont...

À propos

Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.

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