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Journal des débats politiques et littéraires, 13 juin 1832

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Journal des débats politiques et littéraires
13 juin 1832


Extrait du journal

PARIS, 12 JUIN. L'Opposition attaque vivement la légalité de l'ordonnance qui a mis en état de siège la ville de Paris. .Notre intention n'est pas de traiter la question en elle-même ; mille convenances s'y opposent. Ce n'est pas une question abstraite ; c'est le premier moyen de dé fense de beaucoup de gens qui, quelque coupables qu'ils puissent être, se trouvent aujourd'hui comme prisonniers , oomme accusés sous la protection de leur malheur même. Au surplus , et pour le dire en passant, il n'y a personne qui soit plus gêné que nous par la mise eu état de siège. Si nous nous taisons, c'est donner gain de cause aux ennemis de l'autorité, et dans quel moment! Si nous ou vrons la bouche , vite l'Opposition de s'écrier que nous demandons des têtes ! On croit nous faire grâce en ne nous comparant qu'à Fouquier-Tinville ! Nous-mêmes , nous répugnons à faire entendre certaines vérités qui seraient, certes, plus opportunes que jamais si elles ne ressemblaient trop à des accusations iPuisse venir bientôt le jour où nous serons libres de demander compte à chacun de ses paroles et de ses oeuvres , non pas devant les conseils de guerre , mais devant le public ! C'est là le tribunal qui doit juger les plus coupables, non pas quelques jeunes gens exaltés, quelque malheu reux payés pour tirer des coups de fusil à le garde nationale, mais bien ceux qui ont profité de leur position élevée pour attaquer , en toute sûreté , la Charte et la monarchie de juillet. Il y a cependant des réflexions bonnes à faire dis aujourd'hui, et qui ne compromettront personne. Voici un phénomène bien étrange et bien significatif. Le gouvernement, attaqué à force ouverte , s'est armé de pouvoirs extraordinaires; il a mis Paris en état de siège ; la juridiction redoutée des conseils de guerre est comme une épée me naçante sur toutes les têtes. Jamais gouvernement n'a eu plus besu jeu ;>our frapper avec vigueur ses ennemis ; ils se sont mis dans leur tort; ils ont soulevé contre eux l'opinion pnblique , et il faut le dire : tandis que la garde nationale compte encore ses blessures, que les familles sont en deuil , que chaque quartier de Paris voit passer le convoi de quelque bon citoyen massacré en défendant les lois, le nombre des gens disposés à reclamer contre des mesures énergiques serait bien petit. Eh bien! qu'arrive-t-il? C'est le gouvernement lui-même qui modère ses coups, qui restreint, le plus possible ,la juridiction extraordinaire dont il s'est armé, qui calme et tempère les esprits. Jusqu'ici la mise en état, de siège n'a eu d'autre effet que des saisies d'armes , de poudre et de munitions. Aussi l'aspect de Paris est-il parfaitement tranquiile.il y a plus, l'Opposition elle même, qui se dit lerrorifiêe, qui parle de chaînes, de bourreau , de servitude, ne croit, pas plus que nous ,à la terreur. La véhémence même de ses réclamations en est la preuve. Y a-t-il rien de plus ho norable pour le gouvernement que cette confiance en sa modéra tion dont tout le monde est rempli? car, je ne crois pas que l'Oppo sition elle-même s'estime plus courageuse aujourd'hui en attaquant le pouvoir qu'elle ne l'était avant la mise en état de siège. Non , ce n'est pas du courage. C'est l'intime conviction que le gouvernement n'abusera pas des droits que la victoire lui a donnés. Voulez-vous savoir maintenant qui aime plus la liberté, qui l'en tend le mieux , du gouvernement et de ses amis ou des gens qui proclament dans les rues la république à coups de fusils? Supposez un instant la sédition victorieuse et je ne sais quel dictateur régnant dans Paris sur les débris de la Charte , car c'est toujours par la dic tature que commencera la république en France , comme toujours elle finira par la dictature ; supposez le dictateur rendant des ordon nances et se faisant assister, pour leur exécution , par la milice fa natique ou déguenillée qui aurait usurpé , à coup sûr , le nom de garde nationale; supposez une municipalité révolutionnaire, autre instrument de tyrannie nécessaire à la république , faisant des ré quisitions pour assouvir la milice du dictateur ; dites-moi, qui oseI rait résister? celui qui résisterait ne serait-il pas un homme de cœur ? Croyez-vous que l'on discutât paisiblement la légalité de la sédition? Le dictateur souffrirait-ii que l'on mît en doute la légiti mité de ses pouvoirs? La république aurait-elle des scrupules de conscience sur les suites terribles de la mise en état de siège? Paris serait-il calme ? N'entendez-vous pas d'ici la république fermer d'un mot la bouche aux raisonneurs : Je suis victorieuse ; j'use des droits de la victoire ; malheur aux vaincus : vue victis! Ab ! vous sauriez alors ce que c'est que la terreur , vous qui abusez de ce mot contre...

À propos

Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.

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