Extrait du journal
Je pose des questions, mais n'ai point affaire à un bavard. Si fier qu'il soit d'une amitié illus tre, le maître de céans, que son cheval attend et qui, sans doute, veut dépécher l'entretien, est sobre de détails sur. son grand homme. « Je J'ai vu souvent à Lailly, aux Bordes aussi..., un fort homme et pas fier. Il aimait les chiens, il pro menait de beaux lévriers. » Je n'obtiens pas d'autre réponse. Mais les Bordes sont à deux kilomètres. Là, certes, la mémoire de l'habitant célèbre doit vivre, et si l'on a oublié l'écrivain, on se souviendra du propriétaire. Aux Bordes, où nous ne trouvons que des gens de service, un intendant, costumé en pi queur, est seul à entendre sans surprise le nom d'Eugène Sue. 11 sait que le portrait d'un per sonnage ainsi appelé orne une pièce du château. Par malheur, en l'absence des maîtres, il ne peut nous y introduire. Il nous est," du moins, permis d'en regarder l'extérieur. Singulière con struction à ogives, avec tour, créneaux, hîâchi coulis. Une teinte rose tendre enveloppe ce mo nument de romantisme naïf et cocasse. A côté, est une maisonnette, fine chaumine d'opéra comique, d'où l'on s'attend â voir sortir, enru bannée, une accordée de village. Et voici, à deux pas, une galerie circulaire, sorte de cloître rustique, dont chaque pilier est fait d'un arbuste. Sur le parc anglais, qui nous a paru beau, nous n'avons pu jeter qu'un coupi d'oeil. Tels sont les Bordes. C'est là que, pour se reposer d'une « improvisation sans repos », Eu gène Sue se réfugiait entre deux feuilletons. Quand ce romancier aristocratique, changé, par une volte-face, en romancier populaire, se lassait des tapis francs, des tavernes et des sou ricières, il quittait la rue aux Fèves, pour venir jouer au châtelain. Sur ses distractions dans ce « palais », des malveillants disaient son .« pa lais des Bordes », plus d'une légende a couru. N'a-t-on pas raconté qu'il conviait ses fermiers à de fantastiques repas où se servaient, en guise d'entrée, des plats de louis d'or ? Je n'ai pas vérifié si les écuries logent quelque pur-sang dans une stalle d'acajou, pareille à 'celle de l'étalon Arabian.Godolphin. Mais tout, aux Bordes, m'a paru faux, aussi faux, que laGoualeuse et le chourineur. . -On ne s'étonnerait pas de voir le château et la chaumière se démonter comme un décor, et les verdures qui festonnent le promenoir champêtre se détacher comme les favoris postiches de Barbe-Rouge, ou cet arbre de carton qui, à la première des Mystères de Paris, tomba sur le postillon du prince Rodolphe. MICHEL SALOMON....
À propos
Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.
En savoir plus Données de classification - cézanne
- eugène sue
- bernard
- richard bell
- andré michel
- cochin
- delpech
- gauguin
- spielhagen
- khnopff
- niagara
- france
- lailly
- maroc
- casablanca
- bordes
- nancy
- londres
- berlin
- rome
- parlement
- parti radical
- parti socialiste
- journal officiel
- ecole coloniale
- unis
- daily mail