Extrait du journal

Les lycées ont rouvert leurs portes. Les vacances sont finies. Vacances, mot rempli de joies simples, tour à tour récompense et bienfait, immunisant le corps et l'esprit contre les luttes prochaines. Vacances ! Quelles furent celles de l'Europe ? L'an goisse, qui les termina est encore dans tous les cœurs, qui ne demandaient que de croire à des: jours meilleurs. La paix, ce trésor, est là pourtant, mais pour avoir été faite la nuit, elle garde un visage de mystère. On a souffert de voir réapparaî tre à l'horizon le spectre de la guerre. L'imagination n'avait pas besoin d'un grand effort pour réaliser un avenir de combat et ses horribles cortèges. Aussi, les mères les plus dignes demeurent-elles en dolories. Certes, dans la sécurité présente, on se sourit, mais le sourire est bien pâle. Et depuis longtemps l'automne n'avait été si beau. Jamais ciel plus rose à l'aurore ; jamais ciel plus doré à la fin du jour. Rappelez-vous, gens tristes et sages qui veniez de la capitale chercher au sein des campagnes un lieu sûr pour y cacher vos enfants : quelle paix dans la nature ! Des mélèzes de Provence, à la mauve bruyère de l'lle-de-France, une langueur sereine appelait la rêverie sans amertume. Il sem blait que cet automne fût celui d'une belle déesse un peu lassée de joies trop vives et satisfaite enfin du repos. Un charme infini naissait avec le jour et se prolon geait au crépuscule. Les sources reflé taient un monde tranquille de fleurs et d'oiseaux. Les vignes, dont les raisins étaient mûrs, attendaient que vinssent en grand nombre les bras qui les libéreraient de leurs fruits pesants. Cependant, les pas des fiancés étaient plus lents et timides. Leurs paroles tristes et les projets d'avenir s'étaient tus sur leurs lèvres. Les chasseurs eux-mêmes ne foulaient plus le sol couvert des feuilles roses des hêtres. Les fusils pendaient au mur des fermes et des châteaux. Un jour, le bruit des armes, tout à coup, avait pris dans l'air des accents homicides ; l'angoisse avait étreint les chasseurs ; de l'angoisse des hommes, pour un temps, la paix des bêtes se fit. Les faisanes rousses traversaient au...