Extrait du journal

Est-ce bien réellement la psychologie de la jeune fille élevée « à la*laïque » que M. Victor Tissot, l'auteur du Voyage, au pays des -milliards, étudie dans Simone, histoire d'une jeune fille moderne? A part sa tendresse pour les exercices du trapèze, et sa manie de lire à table des traités d'anatomie, l'héroïne semble avoir conservé les traditions classiques de l'amou reuse du bon vieux temps. Elle essaye de se faire enlever par un employé de son père, fabricant de poupées, et le ravisseur, jeune Suisse gratifié du titre d'ingénieur, titre ambitieux pour son emploi,— n'est pas dépourvu d'une certaine naïveté. Pour mériter la main de la jeune héritière, il va au Dahomey guerroyer con tre Behanzin, espérant pouvoir offrir, au retour, la « croix d'un gendre » à insérer dans la raison sociale. Ignorait-il à ce point que les simples sol dats de la légion étrangère sont rarement promus en six mois chevaliers de la Lé gion-d'Honneur ? C'est douteux; mais son départ permet à la fiancée, brouillée avec les siens, de vivre du travail de ses mains, de se transformer en Jenny l'ouvrière, et de faire désirer au lecteur le bonheur dont elle jouit enfin, au dernier acte. Dans cette bluette, qui nous révèle un côté nouveau du talent fécond de M. Victor Tissot, il y a de bien jolis détails : telle la description de l'entrée des employées chez un grand couturier anglais. Il y a aussi quelques bizarreries de style imputables à l'entraînement du genre feuil leton. Les amants se retrouvent dans une gare : « Simone se jeta dans les bras d'un complet gris. » Mon Dieu! comme les étrangers doivent avoir de peine à nous lire! Réserve faite pour ces petites chicanes, Simone est un roman à la fois sentimental et amusant. C'est dire qu'il aura beaucoup de lecteurs et de lectrices....