Extrait du journal

M. le comte Vinceslas Jablonowski nous adresse quelques réflexions relatives à l'abolition de l'esclavage dans les colonies. Les vues générales qu'il expose à ce sujet se recommandent par leur justesse pratique et par une intelligence élevée de cette question difficile. C'est l'histoire et la philosophie qui lui fournissent la clef du problème. L'histoire en effet nous montre que l'escla vage ancien n'a pas disparu du monde en un jour et du premier coup ; il a fallu pour cela le travail lent et graduel de plusieurs générations ; il a fallu passer par une série de transformations progressives dont la der nière a été le servage de la glèbe. L'émancipation de la race africaine doit s'accomplir suivant la même loi et traverser les mêmes phases; seulement, la tutelle que la civilisation européenne exerce sur la race noire doit abréger les épreuves et simplifier les de grés de cette initiation. L'affranchissement immé diat et simultané, sans préparation, sans noviciat; serait contraire à la marche générale de la civili sation et n'atteindrait pas son but; l'expérience de l'Angleterre est là pour le prouver. Le degré de liberté pour lequel la race africaine paraît mûre en ce mo ment, est celui qui correspond plus ou moins exacte ment à la servitude de la glèbe. En d'autres termes, c'est l'apprentissage de la propriété qui doit se faire s par une possession conditionnelle et un travail forcé. : Dans ce système on donnerait à chaque esclave une portion de terrain qu'il serait obligé de cultiver à la charge de payer au propriétaire-colon des redevances en nature et en main-d'œuvre. Telle est la seule ma nière de résoudre avantageusement pour les colons et pour les noirs le double problème que présente l'éman cipation, savoir : garantir aux colons le travail des affranchis; inspirer aux noirs le goût du travail et l'esprit de famille, et développer en eux le sentiment moral avant de les élever à la jouissance complète et absolue de la liberté....