Extrait du journal

Il y a une émotion très vive dans le monde des caissiers. Ils ne savent com ment organiser les payements de leurs maisons de banque, de commerce et d'in dustrie. Quand ils présentent à la Banque les mandats de leurs patrons, ils reçoivent de cet établissement de 3 pièces d'or, des pièces de ii francs en argent, mais point ou peu de billets de banque. 113 sont bien forcés de se demander s'il ne leur faut pas s'occuper d'organiser au plus vite quelque service de camionnage. On sait qu'un million en argent fait le charge ment d'un vagon de chemin de fer, qu'un million en or remplit encore une charrette attelée, tandis qu'un million en billets de banque tient tout bonnement dans un portefeuille. Et quand ils ont reçu de la Banque et placé dans leurs caisses les pièces d'or et d'argent, ils les distribuent en gros sacs fort encombrants à ceux qui ont à les recevoir en détail. Aussi n'est-ce qu'un cri contre la Banque de France, poussé en chœur par tous ceux qui distri buent dans la ville de Paris les instruments d'échange et de payement. C'est le contraire de ce qui se fait dans les pays où les clearing liouses ont perfectionné les com pensateurs pour épargner la monnaie. Le métallique reprend le haut du pavé ; nous revenons à l'origine des affaires. Que pen ser de ces glorifications cent fois faites du progrès dans la rapidité des échanges? Nous sommes las des trains express et nous en revenons aux coucous du siècle passé. On a d'ailleurs bien tort de s'en prendre à la Banque de France ; elle ne donne pas de billets de banque parce que la loi le lui défend. On a dit souvent, et non sans raison, que les règles les plus strictes imposées par les lois aux banques d'émi3sion sont celles del'Angleterreet cependant, en Angleterre,la Banque peut, sans limite, donner des billets de banque contre de l'or. Ge qui lui est in terdit, c'est d'émettre des billets de banque contre des bordereaux d'escompte, quand la limite assez étroite de l'acte de Robert Peel se trouve atteinte. Jamais, dans ce pays pratique d'Angleterre, on n'a défendu îa Banque d'Angleterre de délivrer des billets de banque contre de l'or. Pourquoi empêcher le public de faire garder son or dans une bonne caisse, tandis qu'il con serve en mains le reçu qui représente son dépôt. Les billets de banque ne sont en effet dans ce cas que les récépissés qui représentent le numéraire versé à la Ban que. Lors même qu'il serait possible de con cevoir une limite à l'émission des billets de banque destinés aux escomptes, ce qui est discutable, il devrait cependant n'y avoir personne qui pût entreprendre de justifier une limite imposée au dépôt, par le public, du numéraire dans les caisses d'une banque nationale. S'il est vrai qu'une banque nationale ne doive pas par des opérations plus ou moins ingénieuses attirer l'or dans ses caisses quand il ne vient pas naturellement, il n'est pas moins vrai qu'elle ne devrait jamais repousser l'or que les particuliers veulent mettre en sûreté dans ses caisses. Il est possible que la circulation puisse supporter quelques pièces d'or et même quelques pièces d'argent de 5 francs de plus, aujourd'hui qu'hier, et ce qui vient de se passer suffira d'ici à peu de jours pour remplir quelque vide s'il y en a. Mais it ne faut pas se faire d'illusion : le public ne supportera pas qu'on le gène inutilement dans le mouvement de ses affaires, et il forcera l'Etat de mettre la Banque de B'rance en état de lui donner satisfaction....