Extrait du journal

« Le parquet a fait saisir les journaux qui rapportaient le discours de Garibaldi dont vous parlait ma dernière lettre. Ce qu'il y a de plaisant, c'est que cette mesure atteint surtout des feuilles ministérielles. Quant à l'auteur du discours lui-môme, il est probable qu'on ne lui fera pas de procès ; ce serait donner à ses paroles une portée qu'il n'a probablement jamais entendu leur donner lui-môme. Toutefois, les amis de l'illustre général devraient lui faire comprendre qu'il agirait sagement en modifiant quelque peu ses procédés oratoires. » Tant que Garibaldi était à Caprerà, vi vant pauvrement dans une retraite volon taire, on pouvait admettre des excentricités explicables, émanant d'un esprit aigri par la solitude. Mais, depuis que le général vit à Rome, logé aux frais de la ville et émargeant au budget comme tout le monde, il devrait parler aussi comme tout le monde. n II est permis sans doute au général de critiquer les actes du gouvernement et de blâmer sa politique; mais envoyer des pré sens au roi le jour de l'an, recevoir ceux qui lui sont adressés et dire publique ment, un mois après, que la république est le seul gouvernement honnête ; faire un gracieux accueil aux ministres, traiter avec eux, accepter une dotation proposée par eux, et les appeler des « voleurs en livrée », c'est,. 11 faut en convenir, l'indice d'un esprit peu équilibré. » Il n est pas plus raisonnable d'appeler les prêtres des imposteurs en soutane, et ce ne sont pas ces injures qui affaibliront leur cré dit. Il est regrettable qu'un homme qui a fait de grandes choses, et dont le caractère ne manque pas de générosité, se laisse aller à des intempérances de langage qui n'ajoutent rien à son prestige, et il est plus regrettable encore que les amis qui l'entourent n'aient pas,le courage.ou l'esprit de le lui dire. » Il parait que le général est irrité des ob stacles .que la bureaucratie et les ingénieurs apportent à l'exécution des projets qu'il a conçus pour améliorer le cours du Tibre. Il est possible que ces projets soient excellens ; il est toutefois évident, d'après les discus sions qui ont eu lieu, qu'ils soulèvent des objections nombreuses, et il n'est pas au pou voir du ministère de les imposer d'autorité en passant par-dessus toutes les formalités. » Tout le monde sait à Rome que le roi à personnellement insisté pour qu'on prît en grande considération les projets du général. Quand on connaît le caractère de Garibaldi tel qu'il résulte de ses actes, on reste con vaincu qu'il n'a pas cru être désagréable à Victor-Emmanuel en déclarant que la répu blique est le seul gouvernement honnête : il a cru faire une de ces déclarations platoni ques qui ne tirent pas à conséquence, et il aura été sans doute très étonné en apprenant qu'on avait saisi son discours. » 11.-G. MONTFERRIER. »...