Extrait du journal
M. André Tardieu, à la séance d'ouverture du congrès de la Société Le Play, a prononcé un discours qui n'est pas d'apparat. On y retrouve, sous la forme directe et ramassée qui est de plus en plus la sienne, les idées qu'il a si fortement groupées dans son récent volume : Sur la pente. Le retentissement du livre est considérable, la parole y ajoute l'accent qui lui est propre. -M. Tardieu ne dissimule.pas qu'il a peu d'espoir de voir le régime s'amender de lui même. Sous sa forme actuelle il le trouve non supportable, et il est persuadé qu'il est aussi non perfectible. Seule une profonde réforme de nos institutions politiques permet trait les réformes d'ordre économique et financier dont le besoin apparaît à tous. On demande au gouvernement de procéder. par décrets-lois, mais cette proêëdùre suppose une continuité de vues et de volonté que notre instabilité ministérielle ne nous auto rise pas à espérer. Ce qu'un gouvernement courageux aura eu beaucoup de peine à ac complir sera détruit en un tournemain par ses successeurs, dès que le danger sera passé ou semblera moins imminent. L'instinct dé pensier des Chambres, toujours en quête de popularité électorale, sabotera l'équilibre budgétaire dès qu'il paraîtra rétabli, et même, pour tout dire, un peu avant. Que l'Etat trouve à emprunter facilement, et aussitôt le règne de « la facilité » renaîtra spontané ment, comme repousse la mauvaise herbe dès qu'on cesse de sarcler le jardin. Comment ramener au bon sens, qui est en même temps ici le sens moral, un peuple labo rieux et économe de tradition, dont on fait à plaisir un troupeau de quémandeurs? De même que la réforme politique est la condi tion première de toute réforme économique, la réforme morale est la condition préalable de toute réforme politique. Ici M. Tardieu atteint les fondements de toute rénovation nationale et sociale. Sous prétexte de réa lisme, on a prêché en réalité le matérialisme; le culte du progrès purement technique a fait oublier que l'homme ne vit pas seulement de pain. On parle encore de mystique, mais cette mystique, à la bien considérer, n'est qu'une forme pédante de l'égoïsme. C'est la mysti que du moindre effort, la mystique du sys tème D. On a peu à peu banni de l'enseignement les préoccupations morales et civiques, sans même parler des énergumènes qui font de l'enseignement moral à l'envers. Nous assis tons, a dit M. Tardieu, à une décomposition totale de l'enseignement. Nous marchons en core sur la vitesse acquise, les conséquences d'un phénomène sont toujours un peu à re tardement, en mal comme en bien. C'est pourquoi il faut se garder de l'optimisme candide comme du pessimisme intégral. La consolation est médiocre, mais il est sage de nous habituer à nous contenter de peu. A. ALBERT-PETIT....
À propos
Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.
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