Extrait du journal
PARIS, 13 NOVEMBRE, Nous ne voulons pas troubler les hommages que le dévouement OH l'esprit de parti peut rendre à la mémoire d« Roi qui vient de mourir sur la terre étrangère. Roi malheureux, Roi exilé, Roi déchu, Charles X, malgré ses fautes, a droit àce pieux respect que les hommes ne refusent jamais aux infortunes éclatantes. On a beau dire aux peuples : les Rois sont des hommes comme vous; ils ne souffrent pas plus que vous; n'ayez pas pour eux plus d'égards et de pitié que vous n'en auriez pour un des vôtres! la conscience des peuples, plus délicate et plus élevée, s'émeut d'un profond sentiment de tristesse au spectacle de ces terribles chutes qui précipitent un Roi du trône, dans la fuite et dans l'exil ! Charles X est mort; il est mort loin de la France; la lugubre fin de son règne a été suivie d'un long exil, supporté avec rési gnation et avec une sorte de grandeur religieuse ; la France peut oublier tous les daDgers que lui a fait courir une politique étroite et obstinée, mais consciencieuse; tous les sacrifices que lui a im posés le devoir de défendre ses droits et ses libertés contre les en treprises d'un prince égaré. La France peut tout oublier ; car, par son courage, par sa patience, par son admirable sagesse J elle a su arrêter aussi bien que faire sa révolution, et, sur les ruines d'une monarchie écroulée, fonder une monarchie plus jéune et plus forte! • r . Mais ce qu'il ne faut pas oublier pourtant, ce qu'il faut dire, c'est que si Charles X est allé mourir dans l'exil, il l'a voulu ! H n'a tenu qu'i lui de vivre puissant et respecté, et de mourir sur le plus glorieux trône du monde! C'est lui qui a mieux aimé en descendre que de régner aux conditions de la Charte. Charles X est allé chercher une révolution devant laquelle la France reculait épouvantée. Alors, comme aujourd'hui, ce pays, Iqs de révolutions et de guerres , se souvenant trop bien des plaies que lui avait faites une longue anarchie et du poids' d'un despotisme éclatant, mais impitoyable, ne demandait qn'àtvivre paisible sous la protection de ses lois, et qu'à jouir, sous uû sgou vernement libéral et doux, des richesses de son sol et de soq in dustrie. Charles X a voulu , sans aucun doute , le bonheur de la France ; mais il voulait, avec cette volonté obstinée qui. ne produit que du mal quand le génie ne l'éclairé pas, que la France fût heureuse en partageant ses préjugés ;. il voulait qu'elle fût dévote comme lui, contre-révolutionnaire: comme lui, quelle fit avec lui pénitence des égaremens de sa jeunesse. Aussi Charles X a-t-il été plus malheureux et plus tourmenté peut-être pendant les deux années si belles et si douces pourtant du ministère de M. de Martignac, que pendant les années de son exil. L'effort qu'il faisait pour se plier à. un système que toute son âme re poussait, a dû lui coûter plus que la perte même de la couronne. h s est senti soulagé de n'avoir plus la responsabilité du gouver nement d'un peuple qu'il ne pouvait plus gouverner comme il l'entendait. Pour soutenir la prétention de façonner ainsi les | peuples sur son propre génie, il faudrait être un Pierre-le Grand. [ et les violences qu'on leur faii ne sont excusables que quand on a plus de lumières qu'eux et qu'on les pousse de force en avant I Dans les malheurs de Charles X, la France n'a donc rien à se reprocher. Jamais Roi n'a été, jusqu'au moment suprême d'une révolution que lui-même avait rendue nécessaire, entouré de plus de respects; jamais pays ne s'est montré plus facile à tenir compte de tout : d une promesse, d un mot, d'un geste. Qu'on se rappelle les acclamations universelles qui accueillirent l'avènement de Charles X au trôae, et ce voyage d'Alsace, où la population s'em pressait de témoigner par des applaudisseinens, excessifs peut être, sa reconnaissance pour les premiers actes d'une politique plus libérale et plus sage, et que son espoir que le Roi persiste rait dans un meilleur système! Dans la dernière année même que d'avertissemens ne lui furent-ils pas donnés, et avec combien de discrétion, de ménagemens, de prudence! Quel concours de la presse, des Chambres des électeurs du pays tout entier pour supplier le Rot de ne pas tirer contre la Charte une épée impuissante, et de vouloir bien continuer à être sur un trône constitutionnel le premier des Rois de l'Europe ! Charles X fut sourd à tout, aux représentations des Chambres et du pays, aux conseils de ses meilleurs et de ses plus fidèles amis à la désapprobation morne et triste de sa cour, à l'effroi de la part de ceux mêmes qu'il avait appelés aupès de lui pour partJfîÇ la responsabilité du dernier acte de son règne. Charles X, aJ&sPI pins, se jugeait comme la France l'a jugé. 11 disait lui-mèmé fafiel les événemens n'avaient rien pu sur lui. Tel l'avait saisi la réyèSji tion de 1789, tel le trouva 1830, si ce n'est qu'à la vie d'unetfOg...
À propos
Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.
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