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Journal des débats politiques et littéraires, 16 octobre 1915

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Journal des débats politiques et littéraires
16 octobre 1915


Extrait du journal

Mon chér directeur, .v" Au village oh l'on connaît toul le monde, où les gens vous arrêtent dans la rue pour causer un peu, l'âme populaire est encore plus visible et plus tangible qu'a Paris. Je suis frappé ici tous les jours non seule ment des qualités de résistance de notre race, dé son endurçmcç, de son sang-froid, mais de son souple génie, de son intelli gence à cqmprendreAee conditions de cette guerre, à s'y adapter. L'arrière-front a d'autres vertus que, le front, qui ne sont ni moins essentielles ni moins françaises. Au front, nos jeunes soldats, pleins d'élan et de fougue, se sont 'admirablement pliés à la guerre nouvelle que les Alle mands les ont obligés à faire, à une guerre de tranchées, de sape et de mines qui répu gnait au début à leur tempérament et à leur courage. Ils ont suivi les Allemands sous.terre, après les avoir contraints à s'y cacher. Ils ressemblent, pour parler, fami lièrement , à des écureuils changés en taupes. A l'intérieur du pays, à Qarrière-front, il se passe quelque chose de semblable : la France, ramassée sur elle-même, est en boule, toute hérissée de résolution farouche et silencieuse. Si nos soldats ont très bien compris la lactique de la guerre provisoire de tranchées, notre peuple, à son tour, a très bien compris la nécessité et accepté le lourd fardeau d'une guerre d'usure, d'une campagne de résistance acharnée, d'un rude et patient effort, continué et prolongé, qui doit finir par épuiser son ennemi sans l'énerver ni l'épuiser lui-même,.. On vaque, comme à l'ordinaire, avec un personnel et un matériel réduits, mais une égalité d'âme inaltérable, aux travaux des champs. On n'est pas des saints : on s'impatiente bien quelquefois contre les circonstances, mais on ne geint pas ;■ ce n'est. point dans notre nature. On s'enlr'aide entre voisins ;■ on tâche de se tirer d'affaire et on s'en tire comme on peut ; on se rappelle le temps passé, avec la confiancequ'il renaîtra, plus heureux et plus tranquille; on se console des épreuves présentes avec l'espoir de la sécurité du lendemain. On porte toujours et on portera encore aux caisses publiques l'or épargné qui dormait dans le tiroir secret de l'armoire, f On parle de ceux du pays qui sont à l'armée, qui se battent héroïquement. Il y a déjà bien des morts, des blessés ou des disparus: on ne les oublie pas. Il y a aussi des croix d'honneur, des rubanS rouges, des médailles militaires, des citations à l'ordre du jour. Nous sommes d'un pays oh la croix d'honneur, la bien nommée, fait accomplir ou supporter bien des choses. Ne sommes-nous pas les petits-fils de ces vieux soldats du Petit Caporal, du grand Empereur, de ces •« grognards », qui grognaient quelquefois, mais qui le suivaient toujours, jusqu'au bout ?......

À propos

Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.

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