Extrait du journal

On peut croire, d'après le communiqué de cette nuit, que l'armée allemande en retraite va être obligée délivrer bataille, pour éviter d'être v bousculée dans son mouvement de recul. C'est ce qui semble du moins devoir résulter du l'ait que « nous avons partout rejoint les arrière gardes et même le front de l'ennemi ». Le communiqué delanuit ajoute que l'ennemi « semble faire tête ». Mais il est dilieile de se rendre compte exactement de la ligne sur laquelle il lente d'endiguer notre mouvement en avant. Le communiqué de l'après-midi d'hier nous disait que l'ennemi n'avait pu tenir sur les positions défensives qu'il avait prépa rées au nord de l'Aisne, entre Compiègne et Soissons.et aussi en arrière de Reims. Le communiqué de cette nuit dit au con traire : « l'ennemi semble faire tête sur le frontjalonné par l'Aisne.... il semble égale ment vouloir résister sur les hauteurs au nord-ouest et au nord de Reims». Lés deux informations sont contradictoires : il nous faut attendre/pour choisir entre elles, le communiqué de cet après-midi et peut-être même celui de la nuit prochaine. En prenant la moins favorable de ces deux hypothèses, le point Je plus rappro ché où l'ennemi tenterait une résistance sérieuse pour retarder ou même arrêter sa retraite serait an nord, de ia basse Aisne, c'est-à-direà une centaine de kilomètres de Paris. Si le mouvement de recul des Allemands continue à l'Est il n'est d'ail leurs pas probable qu'ils s'acharnent à rester dans le nord de l'Île-de-France. Les troupes qui y l'ont' tête auront seulement pour objet de couvrir la retraite du reste de l'armée. Or, le communiqué d'hier ' 3 heures signalait le recul de l'ennemi dans l'Argonne et en Lorraine et. avec plus de réserve, celui de 11 heures confirme ce mouvement. Dans ce dernier document on trouve une nouvelle preuve de l'étendue de l'effort tenté par les Allemands pour enfoncer nos positions dans la grande bataille de Cham pagne-Lorraine. 11 annonce que notre pro gression en Woëvré a réussi à « dégager le fort de Troyon, violemment attaqué à plusieurs reprises ces jours derniers ». Troyon est., sur la Meuse, entre SainlMihiel et Verdun. C'est-à-dire que l'en nemi a sans doute investi Verdun à l'Est et essayé de forcer les 'fortifications des Hauts de Meuse, entre celte forteresse et celle de Toul.pour tomber sur la droite de nos troupes défendant la ligne de l'Ofnain. L'opération était ardue, mais à mesure que les forts se dégagent, il apparaît com bien le général Joffre a agi avec .sagesse en arrêtant sa retraite pour livrer la grande bataille seulement après que la droite de ses armées do Champagne fut couverte par le musoir de Verdun et la di gue des forts de la Meuse, et leur gauche appuyée sur le camp retranché de Paris....