Extrait du journal
Les débats continuent devant le Conseil de guerre de Rennes, malgré la demande qui a été présentée ce matin par l'accusé, à l'effet d'obtenir le renvoi de l'affaire à une date ultérieure, et jusqu'au moment où M" Labori serait en état-de reprendre sa place à l'au dience. Le Conseil a rejeté à l'unanimité les conclu sions qui avaient été prises en ce sens. Il a pensé que, pour obéir au vœu de la loi, il de vait procéder sans désemparer aux débats et au jugement de l'affaire qui lui était soumise. En fait, d'ailleurs, il ne semble pas que la de mande de renvoi fût justifiée par un intérêt réel touchant un droit de la défensè. Le capi taine Dreyfus était, on le sait, assisté de deux avocats. C'est une chose qui est loin d'être sans exemple, mais un peu insolite. Dans une cause laborieuse et longue comme celle qui se débat actuellement à Rennes, ce peut être une sage précaution de doubler la défense, ce qui permettra à l'un des avocats de suppléer l'autre, si quelque circonstance imprévue met celui-ci dans l'impossibilité de se présenter à la barre. C'est précisément le cas qui vient de se produire. On ne peut dire que la défense de l'accusé soit compromise, alors qu'un de ses défenseurs, M 0 Démangé, reste auprès de lui. Soit que M" Labori, comme on se plaît à l'espé rer, puisse être assez promptement rétabli pour revenir à l'audience du Conseil de guerre, avant la fin des débats, et pour plaider la cause de sets client conjointement avec son éminent con frère, ou -que M" Démangé doive continuer seul et jusqu'au bout la tâche commune,légalement comme en fait les droits de la défense sont pleinement assurés. Qn peut ajouter qu'il eût été extrêmement regrettable que les débats fussent interrompus pendant une période indéterminée. Ce n'est pas s'avancer beaucoup de dire que tout le monde, ou presque tout le monde, souhaite vivement la fin de ce procès, et que ce désir est justifié par les raisons les plus solides. L'ordre et la paix publics sont intéressés, au premier chef, à ce que la situation actuelle ne se prolonge pas et ne s'éternise pas. L'acte cri minel et odieux, dont un des défenseurs de l'ac cusé de Rennes vient d'être victime, est, à cet égard, un sérieux avertissement. Joint à d'au tres circonstances que, sans excès de pessi misme, on doit considérer comme inquiétantes, il dit clairement qu'il faut se hâter. A la veille, et même aux premières heures du procès, on a pu constater une sorte de calme appa rent autour du Conseil de guerre, et en tirer d'heureux présages. Il ne fallait cepen dant pas être très grand prophète pour pré dire que cela ne durerait pas. Aujourd'hui, toutes les illusions que l'on a pu avoir sont bien dissipées. La juste émotion et l'indignation causées par l'attentat de lundi dernier ont ré veillé toutes les passions, toutes les colères, toutes les haines. Le coup de revolver tiré par un malfaiteur inconnu a mis, ou peu s'en faut, le feu aux poudres. Il ne serait pas très sage de s'attarder sur la poudrière et de tenir bien long-...
À propos
Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.
En savoir plus Données de classification - labori
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