Extrait du journal
Le Sénat met beaucoup de conscience à examiner le budget. Mais la Haute As semblée, ou tout au moins sa commission, paraît ne pas avoir de calendrier dans la salle où elle se réunit. Elle procède avec une sage lenteur, comme s'il s'agissait du budget de 1924. Elle paraît ne pas se douter de ce fait, malheureusement bien établi, que nous sommes dans la seconde quinzaine de mars, que le Parlement va s'absenter pour les vacances de Pâques, que la session des Conseils généraux ne lui permettra pas de rentrer en session avant le mardi 17 avril, ou au plus tôt avant le lundi 16 avril. Dans ces conditions, nous avons encore deux douzièmes en pers pective, pour le moins, si; le travail de la commission sénatoriale se poursuit avec la même sérénité. La Chambre a la responsabilité du premier retard, et nous ne lui avons pas caché la faute commise, mais il serait injuste de lui imputer ce qui est la part du Sénat. Si encore le budget, à travers toutes ces aventures, pouvait ga gner quelque chose, ce serait le cas de se consoler par la réflexion que le temps ne liait rien à l'affaire. Mais il faut bien avouer que; l'équilibre ne se conquiert pas par des discours même éloquents, ni par des rapports même excellents. Le déficit survit aux meilleures intentions, et il ne peut même que s'aggraver à mesure que se prolongent les débats, car il est ordinaire que les Chambres accroissent plutôt les. dépenses que les économies. M. Henry Bérenger ne ménage pas sa peine. L'exposé qu'il a fait hier à la com mission des finances du Sénat est nourri. Le rapporteur général fouille tous les re-, coins du budget, il entre dans les cabinets de débarras où l'on remise le vieux maté riel de la trésorerie. Ce déploiement d'ac tivité apporte, de la précision sur bien des points, mais, malgré tout, la situation reste la même. Ppuvons-nous, à cette époque, remanier à nouveau toute la loi de finan ces ? Pouvons-nous improviser des res sources nouvelles, et capables, dès cette aimée, de donner le milliard et demi qui manque pour boucler le budget ordinaire ? Renvoyer le budget à la Chambre parce qu'il fait appel à l'emprunt pour couvrir le déficit, c'est un geste, ce n'est pas une solution. Le renvoyer au gouvernement n'aurait pas beaucoup plus de sens, car. les propositions du gouvernement, comme le double décime supplémentaire, ont été rejetées par la Chambre. Le Sénat pré tend-il que le ministre doit, ou devait, po ser la question de confiance sur ce ter rain? Ne nous payons pas de mots. A l'heure où nous sommes, le budget ne peut être remis sur le chantier, et, plus vite il sera voté, même avec toutes ses imperfec tions, mieux, il vaudra. Nous savons bien que la situation du Sénat a quelque chose de paradoxal. Il ne peut proposer d'impôts nouveaux, mais il peut refuser d'accepter l'emprunt comme moyen d'équilibre. En matière de recettes, il exerce une sorte de veto, il a une auto rité négative, et n'en 'a pas d'autre. Soit, mais il en a une très positive en matière de dépenses. Il peut les réduire. Le Sénat est en droit de faire des économies, et il est plus à l'aise que la Chambre, pour porter la hache dans la futaie des crédits électoraux. C'est ici que son activité re cueillerait tous les suffrages et aurait un effet pratique. Beaucoup de dépenses que la Chambre n'ose pas rejeter et qu'elle vote la mort dans l'âme pourraient être rognées par le Sénat. M. François-Marsal, dans un discours prononcé hier, insiste avec raison sur ce côté de la question, qui est celui dont le public se préoccupe le plus et auquel le Parlement paraît songer le moins. Il y a des dépenses à couper, il y a des monopoles d'Etat à supprimer, il y a, dans les crédits pour les réparations, des réductions à opérer, au moins tant que les avances recouvrables sur l'Alle magne n,e seront l'objet d'aucun rembour sement effectif. Il y a aussi, et le Sénat est trop avisé pour ne pas le voir, une remise au point dé nos,impôts à opérer. On n'ose pas en core dire bien haut ce que tout le monde pense. On parle volontiers de codifier notre système d'impôts, de l'adapter aux nécessités actuelles/Ces formules vagues ne veulent rien dire, ou sous-entendent un retour aux impôts réels, aux « quatre vieilles », sous forme d'un forfait, d'un recours aux signes extérieurs, c'est-à-dire d'une combinaison évitant la fraude, l'in quisition et la prime aux contribuables de mauvaise foi. Voilà l'œuvre utile et ur gente, et la commission du Sénat s'hono rerait grandement sj elle en proclamait la nécessité. On ne la soupçonnerait pas d'arrière-pensée politique, de campagne sournoise contre la Chambre actuelle. Le pays, qui se perd dans les chiffres contra dictoires avec lesquels les prestidigitateurs financiers ont l'art de jongler, s'intéresse rait à une parole claire et courageuse, tra duisant en textes législatifs ses intimes sentiments. Ce n'est pas l'impression que donne, malgré ses mérites, le travail de M. Henry Bérenger....
À propos
Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.
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