Extrait du journal

On lit dans le Globe ) « Nous avons différé hier de mentionner le post-scriptum de la dépêche de M- Thiers : 1° Parce qu'il avait trait à une note additionnelle qui n'est pas encore publiée ; 2° parce que tout en ayant l'air de faire une menace, il n'ajoutait rien aux, argumens solides de M. Tfiiers. Toute l'affaire nous payait manquer de motifs plausibles de guerre, et M. Thiers lui-même doit ie sentir ; car il proteste de la manière la plus formelle du désir de la France de conserver la paix. Nous voulons croire à la sincérité de ce désir, et rien dans le post-scriptum de M. Thiers n'est de natureà nous faire chan ger d'idée. Le post-scriptum de M. Thiers ne nous paraît pas pas plus belliqueux que sa lettre, et nous serions vraiment forcés de prendre en pitié le ministère responsable d'un grand pays s'il ne trouvait pas de meilleur casus belli que la déchéance du Pacha. Le Memorandumde M. Thiers est un document officiel habilement rédigé, mais nous y cher chons vainement un casus belli. On ne saurait concevoir que le ministère ou les Chambras puissent invoquer ni justifier des mesures belliqueuses en se basant sur l'un des argumens mis en avant dans ce document. On peut dire, il est vrai que les hommes d'Etat ne s'expliquent jamais très catégo riquement, et que derrière les principes se retranchent tou jours des intérêts qui déterminent l'action nationale. Cela peut être ; mais M. Thiers, comme lord Palmerston en appelle au monde, c'est-à-dire à un tribunal impartial. » Nous nous réjouissons de voir de tels appels devenir de plus en plus indispensables. Nous sommes charmés que des flots d'encre épanchés dans des protocoles, des mémorandum et des dépêches, bien qu'on les ait voulu ridiculiser dans l'affaire de Belgique, puissent contribuer à conserver la paix ; nous espérons qu'il en sera encore ainsi. C'est une époque d'amélioration que celle où un homme d'Etat pont dire au inonde, à l'Europe entière, et cela sur une feuille de papier : Vous me demandez pour quelle raison je me suis cru offensé, j'ai armé; et ce que je compte faire, vous avez le droit de tout savoir, à l'exception de ce dernier point, et vous pour rez, d'après ce que je déclare, penser, inférer ce que je me propose de faire. Nous cherchons vainement dans les décla rations de M. Thiers la justification de la dernière extrémité qui pourrait résulter de son attitude. La trouvons-nous dans les intérêts de ia France, si nous ne la trouvons pas dans ses principes? Nous proclamons hautement, et nous espérons l'entendre répéter dans les deux législatures, que la France et l'Angleterre n'ont aueun intérêt dans cette lutte, qui ne serait pas balancée et bien au delà, par les dépenses et les désastres d'une seule année de guerre. » Tous les revenus de la Syrie ne compenseraient pas seulement six mois de bataille pour chacune des parties. Il est vrai que l'on ne peut pas mettre hors de compte la foi due aux traités et l'honneur .national. Mais soyons bien con vaincus de part et d'autre que, si des obligations doivent pousser la France et l'Angleterre à la guerre, nous compro mettrons les plus chers intérêts de l'Europe, et nous nous alié nerons les sympathies des peuples. Loin de nous la pensée de conseiller à l'une des deux parties de manquer aux lois de l'honneur ; mais, au nom de Dieu, que l'on y réfléchisse bien,' et que l'on se pénètre bien de cette chose, qu'aucun intérêt séparé ne veut la guerre. Si cet événement arrive malgré toutes les raisons qui s'y opposent, ce sera une nou velle et triste preuve que la raison ne régit pas le monde. »...