Extrait du journal

M. Le Provost de Launay, candidat bo napartiste, a triomphé dans le département du Calvados : nous nous y attendions, et si le résultat de l'élection nous a affligés, il ne nous a pas surpris. Le candidat répu blicain, M. Paul Aubert, et le candidat légitimiste, M. de Fontette, ont lutté courageusement contre M. de Launay, ils n'ont pas déguisé leurs opinions. La ré publique et la monarchie ont été battues en leurs personnes; battues, il est vrai, dans des proportions très inégales, mais qu'importe? la brutalité du jeu électoral n'admet pas les nuances. M. Aubert a eu 27,275 voix, M. de Fontette n'en a eu que 8,978 : ni l'un ni l'autre n'entrera à la Chambre, et tout l'avantage de la journée, est pour le parti de l'empire. Est-il sûr, toutefois, que dans un autre département, ou même dans le Calvados, avec un autre candidat, les bonapartistes auraient eu un aussi brillant succès ? On nous dit— et nous pouvons bien le répé ter sans lui être désagréable, que les qualités personnelles de M. de Launay et les services qu'il a rendus au département du Calvados ont contribué pour une très large part à son élection. M. Le Provost de Launay a été longtemps préfet du Cal vados; il y a laissé des souvenirs qui l'ho norent; on lui a refait une administration qu'il connaît et dont il est connu : toutes ces circonstances réunies devaient lui préparer les voies. Les journaux de la droite font va loir ces considérations auxquelles nous sommes les premiers à nous rendre. Il se rait puéril cependant de se cacher la tête dans des phrases agréables, comme l'au truche dans le sable, pour éviter de voir le 3 choses telles qu'elles sont. Oui, la per sonne même du candidat a été pour beau coup dans le succès de M. de Launay, mais elle aurait été absolument insuffi sante il y a deux ans. Pourquoi n'en est-il plus de même aujourd'hui? Une-élection a eu lieu dans le département du Calvados à la fin de l'année 1872. Quatre candidats étaient en présence : M. Paris, républicain modéré, a eu 28,000 voix ; M. de Fournès, légitimiste, 17,000; MM. Joret-Desclozières et de Colbert-Chabannais, conservateurs, ont eu le premier 15,000 voix et le second 2,500. M. de Colbert-Chabannais, riche propriétaire du département, passait pour bonapartiste ; il est arrivé le dernier sur la liste sortie du scrutin. Il n'a obtenu que 2,500 voix, M. Le Provost de Launay en a plus de 40,000. Il y a là un enseignement bien clair et qui frappe même les pires aveugles, ceux qui ne veulent pas voir. Les bonapartistes n'osaient pas se montrer il y a vingt mois dans le Calvados, ils y triomphent maintenant. Et d'où leur vien nent les voix qui les acclament? Les ont ils conquises sur le parti républicain? Qu'on en juge : M. Paul Aubert a eu 27,275 voix, M. Paris eu avait eu 28,403 en 1872. Les bonapartistes ont donc en levé leurs suffrages aux partis monar chiques; ils les ont enlevés aux légitimistes qui avaient 17,000 voix en 1872, et qui n'en...