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Journal des débats politiques et littéraires, 19 août 1874

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Journal des débats politiques et littéraires
19 août 1874


Extrait du journal

qu'aboutit aujourd'hui la pédagogie an glaise. Il y a bien, dans ce système de primes, quelques difficultés : l'instituteur, qui verra un accroissement de salaires comme sa récompense personnelle pour les diplômes obtenus par son école, se mettra peut-être à soigner quelques sujets choisis et négligera tout le reste. Supposez qu'en France on promît un supplément de trai tement de quelques centaines de francs aux professeurs de l'enseignement secondaire dont les élèves obtiendraient un certain nombre de nominations au concours géné ral, tout le monde se récrierait contre cette combinaison : on la trouverait peu convenable pour les maîtres, funeste pour les disciples. Nous reconnaissons qu'elle serait peu recommandable : mais, pour l'enseignement primaire, il n'en est pas de même. Il faut nous habituer à voir nos voisins recourir à des procédés qui nous paraissent excentriques et vulgaires. Les Allemands paient les professeurs de leurs universités en proportion du nombre des élèves qu'ils attirent à leurs cours. Un philosophe, un historien ont chez eux autant d'avantages à avoir de nombreux cliens qu'un médecin ou un avocat. Voici maintenant les Anglais qui veulent donner des récompenses pécu niaires aux instituteurs pour le succès de leurs élèves. Tout cela est bien prosaïque; qu'importe, si c'est efficace? Les inspecteurs anglais se préoccupent surtout de la nécessité d'élever et de va rier l'enseignement des écoles primaires : il est tel aujourd'hui, qu'un élève de quel que intelligence, y ayant passé trois ou quatre années, n'a plus rien à y apprendre. D'après nos voisins, il devrait y avoir une gradation presque insensible entre l'in struction élémentaire et l'instruction se condaire, celle-ci n'étant que la suite et le complément de l'autre. Ce qui importe surtout pour le moment en France comme en Angleterre, car nous ne parlons de nos voisins que pour faire uil retour sur nous-mêmes, c'est. de développer les études dans les écoles normales.primaires. Que de gens croient qu'un instituteur en sait toujours assez quand il a une bonne écriture et qu'il connaît les secrets de l'orthographe et des quatre règles I II y a en France un préjugé invétéré contre la science et contre l'esprit scientifique : ce pré jugé se montre à chaque instant, et mal heureusement chez les hommes les plus doués du sens littéraire : les discours pro noncés à nos dernières distributions de prix n'ont été qu'une série d'attaques plus ou moins déguisées contre l'esprit et les méthodes scientifiques. Eh bien ! un insti tuteur, pour s'acquitter convenablement de sa tâche, c'est-à-dire pour ouvrir un peu les facultés de tous ces petits villageois et de tous ces jeunes ouvriers , a besoin d'a voir une intelligence ferme, un sens très droit, un esprit très net. Il n'est pas né cessaire qu'il soit un abrégé de la science universelle, qu'il ait emmagasiné dans sa tête un nombre indéfini de règles, de for mules et de sentences ; ses connaissances positives peuvent être limitées, mais il faut qu'il ait de bonnes méthodes et l'esprit mé thodique. Si l'on veut élever les études dans les écoles normales d'instituteurs, on tombe dans un autre embarras ; où trouver des maîtres capables pour ces normaliens? Ainsi la difficulté recule toujours. C'est que la réforme de l'instruction primaire sup pose une réforme de l'instruction secon daire et de l'instruction supérieure ; c'est toujours par la tête qu'il faut commencer. Croire que l'on améliorera la nation en se contentant de faire épeler et balbutier au hasard tous les enfans, c'est une erreur telle, qu'il est inutile de la réfuter. Il faut que les bonnes habitudes de l'esprit, le discernement, le jugement, la réflexion, le goût de la méthode, descendent des hautes sphères sur les moyennes et ensuite sur les basses, pour pénétrer ainsi la société tout entière. ...... PAUL LEROY-BEAULIEU....

À propos

Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.

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