Extrait du journal

cher à sa ruelle, le matin, pour leur dire comme on disait au vieux Galand : « Dites nous donc un de ces beaux contes que vous savez ! » Disons tout, appelons ces braves gens par leur nom propre, ils seront les Cyniques; on les montrera au doigt dans la foule des beaux esprits ; rien n'est plus vrai; en revanche, ils seront populaires; leur mémoire sera durable ; on leur par donnera beaucoup, parce qu'ils n'auront flatté personne; on oubliera leur dé braillé en faveur de leur sincérité ; on leur permettra d'être nus, en faveur de leur in nocence. Laissez-les faire, laissez-les dire, et que vous importe ? A propos de ces primesautiers, il ne faut pas trop crier à la licence. Autant vaudrait se fâcher contre ces jeunes en fans qui n'ont de la pudeur qu'une vague idée. Il est facile, après tout, de déclamer contre l'auteur de la fameuse ode... on ne saurait nier la grande amitié que lui por taient Foïitenelle et Montesquieu. Il est plus bête que méchant, et le bon Dieu n'aura ja mais la force de le damner, disait la bonne femme en parlant de La Fontaine. Ou tout au moins, avant de les damner, demandez vous si leur vie était correcte; s'ils ont donné l'exemple austère de l'indépendance et du courage; s'ils ont vécu de peu ; s'ils ont vécu de rien ; si jamais on les vit se vautrer à la suite des riches et des toui puissans de ce bas-monde. Or, voilà ce que l'on ne fait guère ; on n'est pas juste envers la pauvreté des vrais poètes ; on ne leur en tient pas assez compte ; au con traire, haro sur le poète en haillons ! Son habit déshonore la compagnie. Il hante le cabaret, comme autrefois Chapelle ; il est amoureux d'une comédienne, comme en son printemps Jean Racine ! Haro sur le pauvre hère!... On était plus indulgent pour l Corneille à pied, célébré par La Bruyère....