Extrait du journal
Dans un. article, récent, intitulé La Re vanche du Poète, M. Jean Renûuard rap pelle que le cinéma sonore vient de nous révéler la voix des plantes. Leurs modu lations auraient été enregistrées à l'ins tant où les feuilles, faisant éclater les bourgeons, s'épanouissent à la lumière. Si les savants ont fixé les sons exhalés par les plantes, ils ne les ont pas encore traduits dans le langage des hommes. Mais peu importe! Les interpréter sera un jeu pour les poètes. Au surplus, conclut M. Renouard, la chose est déjà faite. Il y a beau temps que les poètes ont découvert et recueilli la chanson des plantes, leurs allégresses et leurs sourires, leurs plaintes et leurs désespoirs. M. Renouard, qui est lui-même un poète d'une vive sensibilité, nous conte comment il écoute les feuilla ges et les fleurs et comment il leur répond. Ces lignes m'ont remis en mémoire à la fois un poème et une page de prose tout imprégnée de poésie. Ces deux textes me paraissent dignes d'illustrer le plaidoyer de M. Renouard. Je voudrais les citer pour cette raison d'abord et aussi pour la cu riosité de rapprocher deux inspirations qui, dans l'expression même, restent .fidè lement jumelles. Le poème est connu de tous : Deux strophes de Verlaine, extraites d'Ariettes oubliées, si délicates, si évocatrices, si doucement chantantes qu'on les imagine impérissables : C'est l'extase langoureuse, C'est la fatigue amoureuse, C'est tous les frissons des bois. Parmi l'étreinte des brises, C'est, vers les ramures grises, Le choeur des petites voix. O le frêle et frais murmure, Cela gazouille et susurre. Cela ressemble au cri doux Que l'herbe agitée expire. Tu dirais, sous l'eau qui vire, Le roulis sourd des cailloux. Et voici maintenant la prose : En rentrant sous bois, j'ai tout de suite le silence, mais un silence murmurant de toutes les petites et caressantes voix de la vie et de l'amour, que domine, comme un dièse pro fond, la plainte amoureuse du ramier. L'herbe même est susurrante. La feuille parle à la feuille, et la plus petite, poussant la plus grande, qui lui cache le soleil, dit : « Range toi », et cela basso basso jusqu'à ce que la brise, passant dans la tête du bois, fasse un frémissement longuement s'en allant, qui em prunte tous les bruits dans un remolo de feuilles, ressemblant au doux et effacé mur mure d'une eau qui coule au loin. Cette page, vous la retrouverez dans le Journal des Goncourt. Datée du 2 avril 1858, elle ne peut être un souvenir des Ariettes. Et je doute que Verlaine l'ait lue quand il écrivit son poème. Ainsi, simple coïncidence. Mais l'innocence même de cette rencontre ne témoigne-t-elle pas avec quelle raison M. Jean Renouard célèbre l'intuition des poètes, des poètes qui, au dire de Théophile Gautier, savent tout sans avoir jamais rien appris. X....
À propos
Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.
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