Extrait du journal

On connaît enfin par une note officieuse les intentions du gouvernement au sujet de M. Jules Guérin. « Il a mis, ce sont les termes mêmes de la note, les considérations d'hu manité au-dessus de toutes les autres », et, « dès l'origine, il a écarté toute solution consis tant à donner l'assaut à la maison de la rue de Chabrol ou à s'emparer de l'inculpé de vive force ». Le gouvernement avait le choix entre deux solutions, l'assaut ou le blocus : il a choisi la seconde, et nous ne l'en blâmons pas ; car la première aurait certainement fait couler du sang. Avec la seconde, on n'est pas sûr de ce,, qu'il en sera. Lorsque. M. Guérin et ses compagnons se verront réduits par la famine à l'obligation de se ren dre, la fièvre du siège pourra s'emparer d'eux et les pousser à quelque agression désespérée. M. Guérin ne parle, dès maintenant, que de tirer par la fenêtre sur celui-ci ou celui-là. Mais la responsabilité des événements retombera tout entière sur lui, et le gouvernement sera en droit de la décliner. La résolution prise nous paraît donc prudente et. sage ; mais si, comme on le dit maintenant, elle a été arrêtée « dès l'origine », le spectacle qui nous a été donné depuis quelques jours, et auquel nous assis tons encore, devient très difficile à expliquer. Que signifient ces allées et venues entre la rue de Chabrol et le ministère de l'intérieur? La note officieuse est muette à leur sujet; elle paraît les ignorer. On dit, cependant, d'autre part, que le gouvernement n'est jamais entré en conversation avec M. Guérin et ses camara des. Soit; mais alors comment faut-il qualifier les tentatives de conciliation qui, incontestable ment, ont été faites, et dont il aurait mieux vâlu se dispenser si elles ne devaient avoir d'autre résultat que de donner à M. Lasies l'il lusion de jouer un rôle important et à M. Guérin celle de voir ses propositions prises au sérieux ? Ne valait-il pas mieux accepter la situation telle qu'elle était, et la traiter « dès l'origine » comme on avait résolu de le faire à la fin. Puis qu'on invoque l'humanité, et, certes, il n'y a pas de sentiment RIUS respectable, nous aurions adiriis qu'on ouvrît des pourparlers avec les assiégés pour leur faire sentir la gravité maté rielle et morale d'une rébellion qu'on était dé cidée à briser par la force. Avant d'user de ce moyen extrême, il fallait les éclairer, les pré venir ; peut-être auraient-ils hésité à pousser plus loin leur aventure. Avoir toutes ces lenteurs et ce continuel échange, sinon de vues, au moins de propos entre la rue Chabrol et la place Beau vau, nous nous imaginions être à la veille d'un acte énergique, jugé nécessaire par le gouver nement, mais auquel il ne voulait pas recourir si on ne lui en imposait l'obligation absolue. Notre étonnement aurait été vif et nous aurions cessé de comprendre si on nous avait dit que le gouvernement n'avait jamais eu l'intention j d'employer la force et qu'il attendait tout de la temporisation. Dans ce cas, la conduite à suivre était toute tracée : il devait dès le premier jour rétrécir le blocus,en fermer hermétiquement les issues, interrompre toute communication, de quelque nature qu'elle fût, entre l'intérieur et l'extérieur de la maison bloquée, et attendre. En agissant autrement, il ne s'est pas contenté de perdre du temps ; mais encore il a laissé s'exal ter de plus en plus la tête de M. Guérin et de ses quarante compagnons. L'entrée de la forte-...