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Journal des débats politiques et littéraires, 20 décembre 1830

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Journal des débats politiques et littéraires
20 décembre 1830


Extrait du journal

fjL (iUtÉSIDEHCE DE M. I.E BARON PASQDIRtt.) Séance dit 1 8 décembre. Suite et fin du plaidoyer de M. DE MAKTIGNAC. M. DE MAKTIGNAC : Vous savez, Messieurs, tout ce qui a suivi : le trône déclaré vacant, la Charte renouvelée et modifiée , les pairs nommés par Charles X dépouillés de leur dignité, l'institution de la pairie soumise à uns révision, et l'avènement du trône an duc d'Orléans et de sa dynastie, tous ces actes solennels qui ont consommé la ré volution de juillet i sout aujourd'hui connus de l'Europe entière. Cependant les ministres signataires des ordonnances essayaient de trouver loin de Paris un asile contre des ressentiinensdont ils ne se dissimulaient pas la violence. Au cun acte de l'autorité légale n'avait ordonné ou autorisé leur arrestation ; toutefois quatre d'entre eux furent arrêtés uu milieu des dangers de l'effefvescence populaire, et jetés dans les prisons. Reconnu , dénoncé et saisi au moment où il allait quitter la France, M. de Poli gnac vit plus d'une fois ses jours menacés, et fut enfin ramené captif dans ce donjon de Vincennes, où il avait déjà passé les plus belles années de son orageuse vie. Pendant que ces événemuns se passaient, une accusation, proposée par un lionp rable membre de la Chambre des Députés, s'instruisait contre les anciens ministres. line commission avait été nommée ; elle commença par une instruction ; mais l'ab sence complète de toute loi ne tarda pas à l'arrêter dans sa marche. Convaincue de l'insuffisance d'une autorité non réglée , qui devait rester impuissante devant la pre mière résistance, elle revint devant la Chambre qui lui avait délégué un mandat in complet et lui demanda les pouvoirs que lé Code d'instruction criminelle accorde aux juges d'instruction et aux Chambres du conseil. C'était, Messieurs, une grave et importante question que celle de savoir si de pa reils pouvoirs devaient appartenir à la Chambre des députés; et en présence de l'ar ticle de la Charte qui ne lui donne que le droit d'accuser et de traduire en jugement, on pouvait être disposé à lui contester celui d'interroger les prévenus, d'entendre les témoins, de faire en un mot ces actes de l'instruction que la loi défère non an minis tère qui accuse, mais au juge qui pèse et qui, prononce. Dans tous les cas, le silence de la Cliarte semblait rendre indispensable le con cours des trois branches du pouvoir législatif. Les juges d'instruction et les chambres du conseil tiennent leur pouvoir de la loi. C'est de la loi seule que la Chambre des députés- ou ses délégués semblaieutdevoir recevoir des pouvoirs de la même nature , - et-toutefois, c'est par une décision émanée de la Chambre seule que la commission les reçut. Une'enquête fut faite, et les prévenus furént interrogés. Ils n'opposèrent à ces actes aucune résistance, et se bornant à des réserves générales, ils déférèrent aux sommations qui leur furent adressées, sans mettre en question le pouvoir de ceux de qui elles émanaient. Ce qu'ils n'ont pas fait alors, je n'ai point mission'expresse de le faire aujourd'hui. Mais j'ai dû raconter avec exactitude les faits et les actes qui se rattachent à l'accusa tion, et montrer les premiers embarras qu'a dù rencontrer mie procédure instruite dans l'absence de toute législation, et les irrégularités étranges qu'ils ont produites. Ces embarras prendront plus tard un tel degré de gravité, qu'il sera de mon devoir de vous les signaler comme des obstacles réels que votre sagesse hésitera peut-être à franchir. La commission exposa que les ordonnances du 2 S juillet n'étaient point un fait isolé, né des circonstance du moment, qu'elles étaient le résultat d'un plan médité depuis plusieurs années par Charles X ; que les actes divers qui avaient marqué les premières années du règne de ce monarque étaient tous empreints de l'esprit contre révolutionnaire dont il était animé; que si les projets parurent ajournés cil 1828 , ils fureut repris avec pins d'ardeur eu 1S 29 ,et que le ministère du 8 août fut formé dans le but de les accomplir. A la tète des conseillers secrets'qui engagèrent le Roi à se mettre eu guerre avec son peuple, la commission plaça le prince de Polignac, qu'elle désigna comme le repré sentant de la faction contre-révolutionnaire, comme celui sur lequel sefondaient, dès long-temps, les espérances des ennemis de L'ordre et des lois ; elle raconta les mouve mens divers opérés successivement dans le cabinet, et la convocation et l'ajßurneraent des Chambres. Passant aux actes criminels qui devaient justifier l'accusation , la commission signala ces déplorables incendies qui avaient dévoré quelques unes de nos provinces, et dont la France était épouvantée. Elle n'en accusa pas formellement les ministres ; mais elle déclara que les soupçons s'étaient élevés jusqu'à eux, et qu'elle avait trouvé tant d'obscurité dans leur correspondance, qu'il lui était difficile d'asseoir à cet égard un jugement de quelque poids. Elle raconta les menaces violentes et les intrigues coupables exercées à l'occasion des élections, et la Chambre dissoute avant d'avoir été assemblée, et les lettres closes adres sées aux députés, an moment même où 011 leur enlevait leur mandat, dans l'intention présumée de se saisir d'eux à leur arrivée à Paris, et la législation sur la presse abro gée par une ordonnance, et le système électoral détruit par un acte de la même nature, au mépris des dispositions de la Charte. Elle montra ensuite l'exécution odieuse et sanglante donnée à ces mesures crimi nelles; l'ordre adressé aux chefs de corps dès le 20 juillet, sur la conduite à tenir en cas d'alerte ;le commandement de la première division, confié le 23 an duc de lla guse, auteur de l'ordre donné cinq jours auparavant ; la force armée faisant usage de ses armes contre une population iuolïensive, sans provocations et sans sommations; les ordres donnés de tirer sans ménagement sur le peuple ; l'argent distribué aux sol dats pour les exciter au massacre ; Paris traité en ville ennemie et mis en état do siège; les conseils de guerre préparés ;la liberté des citoyens menacée t et, au iniiieu de cet effroyable tableau, M. de Polignac présidant à tous ces désastres, insensible à tous ces malheurs, prescrivant le meurtre, cachant au Roi la terrible vérité qui doit bien tôt se faire jour; repoussant, sans les voir, de généreux citoyens, d'honorables dé putés qui s'offrent pour médiateurs, qui ne demandent au nom de la paix publique que le renvoi de ces ministres dont ia présence fait couler le sang, et appelant enfin des troupes nouvelles pour recommencer le combat. Après ce funèbre récit dont lions apprécierons l'exactitude , la commission raconta l'issue de cette lutte mortelle ; elle rappela la tardive résolution de Charles X, et les ordonnances retirées, et les ministres repoussés : mais elle s'écria avec la commission municipale :il n'y avait plus de ministres, plus de monarque :la g,.erre avait pro noncé. Tel fut le rapport que la commission d'accusation soumit à la Chambre des Dé putés , et sur lequel elle appuya sa proposition. Cette proposition tendait à ce que les anciens ministres fussent accusés de tra hison : « Pour avoir abusé de leur pouvoir afin de Cmsser les élections et de priver les ci toyens du libre exercice de leurs droits civiques; .. Pour avoir changé arbitrairement et violemment les institutions du royaume ; » Pour s'être rendus coupables d'un complot attentatoire à la sûreté intérieure de >• l'Etal; Pour avoir excité là guerre civile en armant ou portant les citoyens à s'armer les - uns contre les autres , et porté la dévastation et le massacre dans la capitale et dans .. plusieurs autres communes. » Et comme le crime de trahison, le seul qu. pût fonder l'accusation ,ne se trouve ni ' déterminé nj pUU; par aucune loi, la commission indiquait àla Chambre , comme dis posilions pénales qui pouvaient être appliquées aux accusés, les articles du Code qui prévoient les crimes qu'elle venait de rappeler et qui devaient constituer la trahison. La commission proposait enfin de traduire les accusés devant la Chambre des Pairs, et de nommer trois commissaires pour suivre devant celte haute Cour l'accusation in tentée. , r ' Après une discussion qui fut sévère et grave comme la matière le demandait, mais qui 11e fut ni violente ni passionnée, la Chambre des Députés adopta la résolution...

À propos

Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.

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