Extrait du journal
On nous communique la lettre suivante que M. le comte d'Haussonville adresse il M. Edouard Hervé : Mon cher confrère et ami, II n'y a pas de semaine depuis deux mois où je n'aie reçu la visite de quelque représentant d'un journal français ou étranger me sollicitant de lui faire connaître « mes impressions sur la si tuation»; je m'y suis toujours obstinément refusé. Mais je sens cependant que beaucoup de nos amis sont dans un état d'attente qui va jusqu'à l'anxiété. On m'écrit de tous côtés : Que pense le prince et que pensent les chefs de notre parti? Que devons-nous faire et que faites-vous vous-même? Pour répondre à ces questions, que jo reconnais légitimes, permettez-moi de faire appel à l'hospitalité de votre journal ami et à son immense publicité. Ce que pense le prince ? J'ai pu m'en assurer dans les entretiens que j'ai eus récemment avec lui et dont je suis revenu éclairé et fortifié. Mais j'aurais pu le dire à l'avance : il pense à la France et il souirre. Il souffre de sentir que cette France honnête, scrupuleuse, où les mœurs politiques étaient demeurées jusqu'à présent si probes, se trouve aujourd'hui compromise dans son bon renom par les maîtres qu'elle a eu la faiblesse de se laisser imposer. Il ressent plus douloureusement que personne le contre-coup de ces événements, car les échos européens lui arrivent de tous côtés et il sait de quelles in justes appréciations ces échos retentissent. Aussi, n'aurait-il pas permis à ses agents de se faire les instruments de ces tristes révéla tions et il les aurait sévèrement blâmés alj'R avaient trempé, comme on l'a prétendu, rf s ce commerce de petits papiers qui se pratieue ouvertement aujourd'hui à Paris. La France veut la lumière ; elle ne veut pas le scandale. Elle ne pardonnerait pas à ceux qui, par des artiflci s de procédure ou des or donnances de non-lieu imposées, voudraient lui cacher ce qu'elle a le droit de savoir. Mais elle ne pardonnerait pas non plus à ceux qui, dans un intérêt de parti, se livreraient à des déla tions et surtout à des calomnies. D'ailleurs ce rôle ne convient pas aux monarchistes, pas plus, au reste, que celui de conspirateurs qu'on les a accusés de jouer. Conspirer ! A quoi bon ? Les événements conspirent pour nous, et il n'y a pas de meilleurs auxiliaires. Ce que pensent les chefs de notre parti ? Ils pensent avec moi que de grands devoirs s'im posent aux monarchistes, mais qu'il ne faut pas qu'ils se méprennent sur la nature de ces de voirs. Pour cela, il importe qu'ils se rendent bien compte des sentiments complexes qui agi tent aujourd'hui la France. ~ Les révélations du Panama causent dans 1« pays une émotion profonde. Il se peut que cette émotion pénètre lentement dans les populations et qu'il faille encore du temps pour qu'elle des cende de la ville au canton, du canton au vil lage, du village au hameau. Mais il n'y aura coin si reculé où elle n'arrive. Le pays apprend eu ce moment avec stupeur que le régime dans lequel il avait mis toute sa confiance, qui s'é tait présenté à ses yeux comme le régime de l'économie et de l'austérité, a été celui du gas pillage et de la corruption. Il apprend que tous ces personnages, dont les noms lui étaient devenus familiers et qu'on lui avait représentés comme de grands citoyens comme des hommes nécessaires, sont tous plus ou moins déshonorés ou compromis ; que les uns sont en Cour d'assises ou sont menacés d'y pas ser, que les autres ont été déposés inopinément des situations élevées qu'ils occupaient et que pour défendre leur honneur, les plus haut pla cés eu sont réduits à plaider leur incon science. « Ni dupes ni complices », avait-on dit autre fois. Or, il appert que ceux qui n'ont pas été complices ont été dupes. Ne peut-on même pas dire que le siieuce est une des formes de la complicité ? La désillusion du régime et des hommes est donc profonde. Mais c'est aux hommes que le pays commencera par s'en prendra. 11 voudra uu personnel nouveau qui, n'ayant, pas été mêlé au gouvernement de ces dix dernières années soit à i'abri et au-dessus du soupçon, car ii éprouve en ce moment un impérieux besoin d honnêteté et, pour satisfaire ce besoin, il n'hé sitera pas à sacrifier ses favoris d'hier. Il est encore un autre sentiment qui se fait...
À propos
Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.
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