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Journal des débats politiques et littéraires, 20 novembre 1835

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Journal des débats politiques et littéraires
20 novembre 1835


Extrait du journal

On verra que ce ne sont point là des exagérations de paroles, c'est la description légale de l'esclave. Mais comment devient-on esclave ? Est-on acheté ? Se vend-on soi-même ? On naît esclave, a Les enfaas de l'esclave et ses deseen dans sont esclaves ; l'enfant suit la condition de sa mère. » (Lois de la Caroline du Sud.) C'est de la part du législateur une précaution très sage d'avoir déclaré que l'enfant, suivrait la condition de sa mère. Autrement les planteurs n'auraient pas pu faire entrer leurs négresses dans leurs lits ; ils auraient été exposés/à créer des hom mes libres: grâce à la loi, ils ne créent que des esclaves et le li bertinage les enrichit. Vous croyez peut-être qu'il n'y a d'esclaves que les nègres et leurs enfaus, et cela vous rend plus indulgens: même en Europe, nous avons de la peine à regarder les nègres' comme nos frères et nos semblables. Les Indiens aussi sont esclaves. Les lois de la Caroline méridionale et de la Virginie reconnaissent des esclaves indiens. Mais ee n'est pas tout. Vous êtes blanc de peau, vous avez les cheveux longs et lisses, les lèvres minces et fines, n'importe; il se trouve que votre bisaïeule était esclave ; vous serez esclave aussi : la couleur ne vous protégera pas. Que si vous dites pour vous défendre du collier de l'esclavage, que votre père était un blanc, votre aïeul un blanc, votre bisaïeul un blanc; tout cela ne fait rien : vous êtes esclave. L'enfant suit la condition de sa mère. En Virginie, dit M. Paxton, écrivain de la Virginie, le meilleur sang coule dans les veines des esclaves. C'est là que sont les plus beaux garçons et les plus belles filles; et celles-là, ni leur beauté, ni leur blancheur ne les défend d'être esclaves. Dans les premiers mois de 1835, on lisait dans les journaux le signalement d'un es clave fugitif, et ee signalement portait que cet esclave avait été pris souvent pour un blanc. Une feuille du Missouri a rapporté le procès d'uu jeune garçon de dix ans qui se prétendait libre parce qu'il était blane. Sa personne fut soumise à l'inspection d'un jury, auquel s'étaient adjoints deux habiles médecins. Un procès-verbal fut dressé de cette inspection , et il est constaté au procès-verbal que sa pc-au était blanche, ses cheveux doux et lisses, ses yeux bleus, son nez aquilin ; ses lèvres étaient petites et couvraient com plètement les dents ; sa tète était ronde et bien formée ; son front haut et bombé; ses oreilles larges, sa jambe droite, ses pieds creux en dessous. Ce sont là, à ee qu'il paraît, les marques carac téristiques du blanc; c'est à ces signés qu'on lecomiaît sa race, et l'enfant les avait tous. Mais il fut prouvé que ses ascendans mater nels avaient été et étaient encore esclaves;' sur quoi il fut déclaré esclave lui-même. Ainsi, c'est la généalogie et non la couleur qui décide de l'état des hommes. Du reste, les citoyens des Etats* Unis n'ont aucun de ces affreux préjugés nobiliaires qu'ont les na tions d'Europe. Ils n'ont point de roturiers ; il n'ont que des es claves de père en fils. Le blanc, ou du moins celui qui l'est de peau, de cheveux , de lèvres, de jambes, des pieds, le blanc peut donc parfois tomber en esclavage, s'il ne porte pas avec lui le certificat de liberté de sa mère. Quant au nègre libre et à l'homme libre de couleur, l'escla vage est sur sa route comme une embûche toujours Ouverte. Dans la Caroline du Sud, le nègre libre mis à l'amende pour uu délit, s'il ne peut pas payer, est vendu comme esclave. La Géorgie a dé fendu aux hommes libres de couleur d'entrer sur son territoire : s'ils y entrent, ils sont mis à l'amende, et faute de paiement, ven dus comme eselaves. Même sort pour le nègre libre qui ne peut pas prouver qu'il est libre; car dans ce pays de liberté, c'est l'escla vage qui se présume. Dans tous ces cas, les enfaus qui naissent sont esclaves et sont punis des torts de leurs pères. Ce qui n'em pêche pas que l'Amérique n'ait la plus profonde horreur pour la réversibilité des peines ou de l'infamie, telle qu'elle existait autre fois dans les lois ou dans les préjugés de l'Europe. Ii y a des lois qui défendent de maltraiter les animaux; il y en a aussi qui défendent de maltraiter les esclaves. Seulement les unes sont exécutées, les autres ne le sont pas. Contre les animaux, il n'y a pas d'intérêt de caste ; mais quant à l'esclave, s'il n'y a pour déposer des mauvais traitemens qu'il a soufferts que des hommes de couleur, leur témoignage ne vaut pas en justice; et quand même le crime serait prouvé par des témoins compétens, comme le maître comparaît devant une Cour et un jury de posses seurs d'esclaves, il n'a jamais rien à craindre. Le maître est donc un peu plus maître de son esclave que de son cheval. Cependant les lois ont essayé de régler le travail que le maître pouvait impo ser à l'esclave. Dans la Caroline du.Sud, l'esclave ne peut pas être obligé de travailler plus de quinze heures par jour. Il est vrai que dans le Maryland, la Virginie et la Géorgie, les lois défendent de faire travailler les détenus des maisons pénitentiaires plus de dix heures par jour. Ainsi la loi remet au blanc condamné cinq heures du travail qu'elle impose au noir innocent. Cette différence montre le degré d'estime que les blancs font de leurs esclaves. L'esclave n'a rien, n'acquiert rien. Le maître ne peut pas, sous peine d'amende, laisser ses esclaves cultiver du coton pour eux mêmes, travailler pour leur propre compte, ou louer leurs ser vices à quelqu'un. Tout cela pourrait faire croire aux esclaves qu'ils sont capables d'être propriétaires, et c'est cette idée fatale que les lois veulent détruire à tout prix. L'esclave ne peut pas comparaître en justice; il ne peut donc pas intenter d'aclioD. Qu'il soit battu, que sa femme et ses enfans soient insultés et violés en sa personne, il ne pent pas poursuivre le coupable. On peut impunément fouetter et battre l'esclave d'au trui, pourvu qu'on ne le mette pas dans l'incapacité de travailler....

À propos

Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.

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