Extrait du journal
On lit dans le Morriing Chxonicle du 20 novembre : « La copie de là mémorable harangue adressée par l'empereur Nicolas à la municipalité de Varsovie, qui est parvenue à notre gouvernement, et sur l'authenticité de laquelle nous n'avons pas l'ombre d'un doute, diffère sur un point de celle publiée par le Journal des Débats. Ainsi, dans cette dernière, se trouve une phrase ainsi conçue : « Je vous dis ici » la vérité pour éclairer notre position mutuelle, et pour que vous sa » chiez bien à quoi vous en tenir ; car je vous vois et vous parie pour la » première fois depuis les troubles. » La copie reçue par notre gouver nement ajoute les paroles suivantes : « et pour la première fois aussi, » vous devez me considérer comme l'empereur de Russie, et non plus » comme le roi de la Pologne. »G<; qui équivaut à dire dans le langage familier à Napoléon : « Le royaume de Pologne a Cessé d'exister; je ne reconnais plus de semblable royaume, je ne vous reconnais même pas comme sujets du duché de Varsovie; vous êtes désormais babitans d'une province de mon empire, province que je ne cesserai jamais de haïr, parce que je suis convaincu que vous me haïssez. » Un pareil langage dans la bouche d'an souverain chrétien, parlant à un peuple chrétien, est tellement révoltant, que nous sommes tentés de partager l'opinion de quelques uns de nos confrères, qui le considèrent comme le résultat d'un paroxisme de cette folie héréditaire dans la famille impériale de Russie ; ce sont les symptômes précoces de cette aliénation qui détermi nèrent Alexandre à exclure Constantin de la succession au trône de Russie. 11 se peut qu'une meilleure constitution physique ait retardé la fatale découverte d'Une semblable maladie dans le tempérament de Nicolas. » Plusieurs circonstances récentes tendraient d'ailleurs à fortifier cette opinion. Ainsi, par exemple,l'idée ducamp de Kalisch n'a pu germer que dans un esprit malade et troublé jusqu'à la folie par la crainte de l'es-, prit révolutionnaire en Europe. Ce camp fut organisé sur un pied telle ment dispendieux qu'il devait nécessairement, comme l'événement l'a Ïrouvé, dépasser les ressources pécuniaires du gouvernement russe. 'auteur de ce beau projet voulait évidemment épouvanter l'Europe constitutionnelle au moyen d'un immense rassemblement de troupes russes, autrichiennes et prussiennes, lesquelles resteraient réunies pen dant tout l'hiver. L'Autocrate était tellement persuadé que sa volonté seule serait une loi pour ses alliés, qu'il mit sis troupes en mouvement et proclama le but de leur marche avant même d'avoir pris aucun arrangement' avec les deux autres souverains. On donnait le refus pru dent de l'Empereur d'Autriche qui ne voulut pas s'associer à cette ridi cule démonstration contre l'opinion publique. On sait aussi avec quelle répugnance le Roi de Prusse consentit à se prêter à la folie du Czar. Ce monarque comprenait, comme tous les hommes sensés, qu'un pareil dé ploiement de force militaire n'était qu'un véritable gaspillage de res source , qui ne pouvait aboutir à aucun résultat ; mais l'absurde décret avait été officiellement publié à Saint-Pétersbourg et il n'était pas pos sible de le retirer. » Rappelons-nous aussi l'étrangeté des manières de Nicolas sur le champ des manœuvres, sa gatté à TœpHtz-eo, présence de son épouse qui, les joues pâles'et la*voix tremblante, lui exprimait les terreurs aux quelles son âme était en proie; cette soudaine et inexplicable visite à Vienne dont son ambassadeur même n'avait pas été prévenu; joignez à cela surtout la fameuse harangue de Varsovie et sa retraite après le pro noncé de ces sanguinaires menaces dans un couvent où il resta pendant deux heures agenouillé dans les ténèbres; enfin la rencontre improvisée, à Kiew, avec lord Durham qui certainement ne s'attendait pas à avoir cet honneur avant son arrivée à Saint-Pétersbourg, toutes ces circons tances n'indiquent-elles pas un état d'excitation mentale dont on ne peut sans trembler envisager les conséquences chez un monarque auquel le hasard de la naissance a confié la destinée de tant de millions d'hommes? » Quoi qu'il en soit, le discours prononcé à Varsovie résout plusieurs questions qui jusqu'à ce jour étaient restées obscures et indécises. Ainsi, à moins d'être privé de bon sens, il n'est personne qui puisse mainte nant contester la convenance de soustraire la Turquie à la suprématie d'un protecteur tel que Nicolas vient de se montrer à la face de l'Eu rope. Cette harangue décidera le Sultan à adopter une marche fixe et invariable qui mettra l'Angleterre en état de le sortir de sa position ac tuelle, si équivoque et si embarrassée. La lecture de cette harangue ex citera dans toute la Prusse, l'Autriche et surtout la Hongrie, des sen timens semblables à ceux qu'elle a soulevés en France .et en Angleterre....
À propos
Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.
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