Extrait du journal

L'Exposition de 1889 va donner lieu à une formidable production de discours, de conférences et d'exposés de toutes sortes. On ne compte pas moins de soixante-cinq Congrès officiels internationaux ; mais à çôté_ d'eux il se rencontre un nombre qui ne sera, sans douté, pas moindre fie Con grès libres. Plusieurs milliers d'orateurs vont donc dans foutes les langues donner cours à leur inspiration sur tous les sujets possibles. Il est vraisemblable que des flots de lumière seront répandus sur toutes les questions qui intéressent la société. L'un des Congrès qui ont ouvert ce dé filé presque interminable, c'est celui de la nationalisation du sol. Il va sans dire que ■c'était un Congrès libre; un gouvernement prudent ne pourrait donner son estampille à une réunion d'hommes qui se propose un but aussi radical. Le grand leader de ce Congrès est un publiciste qui a acquis dans le monde anglo-saxon une prodigieuse notoriété, M. Henri George. C'est en mars 1879 que, à San-Francisco, il fit paraître un livre sin gulièrement retentissant : Progrès et Pau vreté. On a dit de cet ouvrage qu'il est le livre de notre siècle ayant eu la plus grande circulation. Ni les romans de Walter Scott, ni ceux d'Alexandre' Dumas, n'auraient trouvé autant de lecteurs. C'est par centai nes de mille, sinon par millions, que se compteraient les exemplaires de ce volume, qui n'est pas un pamphlet, puisqu'il com prend 500 pages de texte assez serré, qui n'est pas une pure œuvre de déclamation ou d'invective, puisqu'il s'abstient de toute la phraséologie révolutionnaire et qu'il a la prétention de discuter minutieusement et impartialement les opinions des principaux économistes sur la propriété, sur le capital, sur les salaires. Que sont les Contradictions économiques de Proudhon, YOrganisation du travail de Louis Blanc, auprès de cet exposé de Henri George qui a eu le don de pénétrer profon dément tout le monde anglo-saxon et de se répandre, de là, dans toutes les lan gues ! Les doctrines de l'écrivain américain manquent cependant dé nouveauté. La nationalisation du sol, c'est-à-dire la re prise par l'État de tout ce qui est rente foncière, la location de la terre directement par l'Etat au fermier et à l'occupant, la suppression de tous les impôts grâce aux revenus réputés énormes que ce système conférerait aux pouvoirs publics ; il n'y a rien de bien neuf dans cétte thèse. Bien avant que Henri George s'en fût emparé et qu'il l'eût faite sienne par sa verve entraînante, son brillant esprit et l'apparente force de sa dialectique, elle avait été mille fois exposée sur divers points du globe. En France, un penseur aujourd'hui ou-blié, Huet, demandait que, « à chaque dé cès, les parts libres du patrimoine général revinssent également à tous les jeunes tra vailleurs ; la succession constituée sociale ment reproduirait ainsi, à chaque généra tion, « la fraternité du partage primitif ». Un réformateur belge, Colins, qui a créé une petite école sociale, faisait aussi un plan de retour du sol à l'Etat. Ces mots mêmes de « nationalisation du sol » sont...