Extrait du journal
EN VOYAGE Nous regrettons d'avoir parlé un peu légère ment hier d'une idée qu'il fallait, paraît-il, pren dre au sérieux, comme tout ce qui émane du gouvernement. Il se confirme aujourd'hui que M. le président du Conseil, sur le point de partir en voyage, est soucieux et inquiet. Laissera-t-il le Parlement au logis sous la garde de M. Ri card? Cette pensée l'alarme. Il craint qu'il n'ar rive quelque chose en son absence et de trouver au retour du dégât à la maison? Que faire? Il ne peut emmener la Chambre avec lui? Il n'est pas en assez bons termes avec le Sénat pour le prier d'être son compagnon de voyage. Que Ton juge de son embarras ! Pour en sortir, il a ima giné, dit-on, de demander ou de faire deman der pour lui aux Chambres de suspendre leurs séances, d'interrompre leurs travaux et de s'en gager à n'avoir, pendant toute la durée de son absence, aucune conversation avec M. Ricard, aucun commerce avec les autres membres du Cabinet. C'est la première fois, à notre connaissance, qu'un chef de gouvernement songe à adresser au Parlement une pareille prière. En général, les présidents du Conseil ne voyagent guère au cours des sessions parlementaires : tout au plus profitent-ils d'un dimanche pour aller res pirer un air plus pur et leurs absences sont si "'courtes que les affaires de l'Etat n'en peuvent souffrir. Jusqu'à présent, on n'avait pas vu de personnages de cette importance s'envoler vers la côte d'azur, avec l'intention d'y passer huit jours, et prendre la précaution de donner un tour de clé aux Chambres avant de partir. Si quelque circonstance grave et urgente les avait obligés à s'éloigner pour une semaine, ils auraient eu sans doute assez de confiance en leurs collaborateurs pour leur remettre le soin d'entretenir les rapports avec le Parlement pendant ce temps-là. Mais M. Bourgeois a d'autres habitudes et des procédés nouveaux. Quand il voyage, il entend que les membres du Parlement se promènent. S'ils le préfèrent, cependant, il leur sera permis de rester au coin de leur feu ; mais qu'ils se gardent bien d'aller rôder autour de la salle des séances, de s'y in troduire, de s'y asseoir, d'y délibérer et de faire quoi que ce soit en l'absence du chef. Nous ignorons si les représentants du pays goûteront ces façons d'agir un peu cavalières, ît s'il leur sera démontré que le chômage par lementaire est de droit quand le président du Conseil juge à propos de se déplacer. Ils se de manderont, sans doute, si le voyage de M. Bour geois est une de ces nécessités tellement impé rieuses qu'il lui soit impossible de s'y sous traire ; ou si les convenances des ministres doi vent être aussi celles du Parlement. Plus d'un pensera peut-être que, puisque, après tout, il s'agit d'un voyage d'apparat et de représenta tion, M. Ricard y pourrait tenir la place de M. Bourgeois et que cette substitution de per sonnes n'aurait, à Nice, aucun des inconvé nients que M. le président du Conseil paraît craindre à Paris. Elle offrirait même des avantages au point de vue décoratif et de la mise en scène. Cela arrangerait toutes cho ses. Le Parlement garderait son président du Conseil et n'aurait pas le chagrin de tomber dans une triste et dangereuse oisiveté: Les Ni çois, avides de beaux, spectacles, contemple raient le Cabinet sous les espèces et apparences...
À propos
Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.
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