Extrait du journal
il s'en est amoncelé une quantité vraiment im posante. Nous les avons énumérées à mesure qu'elles se produisaient et nous n'en avons au jourd'hui qu'un souvenir un peu indistinct. Mais, précisément pour ce motif, il nous est facile de les apprécier. Si on nous demande quelles sont celles qui ont un intérêt véritable, nous répondrons qu'il n'y en a pour ainsi dire aucune. Tout cela n'était que de la petite pou dre brûlée d'avance aux moineaux. La situation présente est trop sérieuse pour qu'on puisse se distraire plus longtemps à ces escarmouches des mois de congé. Il ne saurait y avoir, dans la session prochaine, que deux questions im portantes à discuter, et une loi, non seulement importante, mais indispensable : nous voulons parler du budget. De ces deux questions, il en est une qu'il serait beaucoup plus convenable de ne pas sou lever: c'est l'affaire Dreyfus Mais comment espérer de la Chambre la discrétion que le sim ple respect de la justice suffirait pourtant à conseiller et même à imposer? La Cour de cassation est saisie. Elle l'a été dans les condi tions les plus strictement légales. Dès lors, il n'y a, semble-t-il, qu'à attendre, et c'est ce que nous avons dit dès le premier jour, avec plus de conviction que d'illusion. Tous les partis auraient dû déposer Tes armes le lendemain du jour où la plus haute juridiction du pays, la plus éclairée, la plus impartiale, a été mise en mesure de se prononcer. Jamais, au contraire, tous les partis n'ont brandi leurs armes avec plus de colère et de violence. Il se rait à peu près impossible de dire, dans cette espèce d'hallali forcené, lequel des deux s'est montré le plus exempt de convenance, et de scrupules. L'un et l'autre ont multiplié leurs coups sans se préoccuper de savoir où ils tombaient. Les bons citoyens, ne pouvant rien pour arrêter ces saturnales de. la polémique, ont éprouvé une tristesse profonde. L'idée fondamentale de justice et de droit, autour de laquelle se produisait cette mêlée furieuse, y a disparu à peu près complètement. Nous som mes sûrs, que la Cour de cassation ne s'en proposera pas une autre, et qu'elle saura la dégager, et l'éclairer. Quant à la Cham bre, elle n'aurait qu'à se taire. Le fera-t-elle ? Non. Cette question, qui devrait être réservée jusqu'au moment venu de mettre en cause les responsabilités qui s'y mêlent, sera celle qu'on agitera tout d'abord. Ilélas ! c'est celle qui nous divise le plus. Est-ce pour cela qu'on commen cera par elle? C'est ce qu'on fera pourtant, à moins que la gravité de la situation extérieure ne prenne un tel caractère qu'il faille bien, bon gré, mal gré, la placer au premier plan. En tout état de cause, une grande discussion est indispensable, inévitable, sur nos rapports avec l'Angleterre à l'occasion "de Fachoda. L'esprit public est resté chez nous parfaitement calme ; mais il n'en est pas de même de l'autre côté de la Manche. Il semblé qu'on veuille y pousser les choses à l'extrême, et si nous ne le disons pas au point où cela est malheureusement vrai, c'est pour ne pas contribuer nous-mêmes à exciter des passions déjà trop ardentes. Toutes les autres préoccupations dovx'aient céder à celle-là. On se demande parfois, à voir l'in conscience avec laquelle nous nous livrons à nos querelles intestines alors que l'orage se forme au Nord-Ouest sur nos têtes, on se demande si nous sommes à Paris ou à By zance. Toutefois, si d'autres questions sont faites pour nous diviser, celle-là est faite pour nous unir. Quand il s'agit de patriotisme, il n'y a plus de partis en France; il n'y a que la France. Mais où en sommes-nous exactement aujourd'hui? Quel est l'état des négociations? Qu'est-il encore permis d'espérer d'un retour de sang-froid et d'équité chez nos voisins ? Sera-ce la première question que traitera le Parlement français? En tout cas, c'est la plus haute de toutes celles qui s'imposent à lui. Par comparaison, les autres pâlissent et s'effacent. Dès les premiers jours de sa carrière, la Cham bre va se trouver aux prises avec la plus lourde des responsabilités. Sera-t-elle à même d'y faire face ? Une épreuve de ce genre est de celles qui mûrissent une Assemblée qui aurait l'in telligence de la comprendre, parce qu'elle re-1 met et réduit à leur place proportionnelle, in fime et subalterne, les misérables questions auxquelles s'usent quotidiennement la force et l'énergie du pays. Nous n'avons enfin rien à "dire du budget,1 sinon qu'il devrait être voté le 31 décembre. Le...
À propos
Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.
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