Extrait du journal
puérilité : il y a long-temps que la France est convaincue qu'il n'y a de repos pour elle et de liberté que dans la monarchie. Si cela veut dire, au contraire , que le ministère d'aujourd'hui gouverne d'une façon monarchique , et que c'est lit la manière dont il faut gouverner, c'est une pauérè?chose alors que les façons monarchiques de gouverner. Nous pensions, en effet, que ce qui était monarchique avait sur tout le mérite de la stabilité. Or , qiéy a-t-il de moins stable que le ministère du 8 août? Qui a plus changé? Qui est plus exposé encore à changêr ? Vous parlez de quelque chose de permanent, et c'est un déménagement perpétuel que votre ministère; vous parlez d'ordre, et c'est une anarchie vivante. ■; Un homme d'esprit disait, après le,'dénouement de la révolution espagnole , qu'au , lieu de l'anarchie populaire sous les Cortès, 011 allait avoir une anarchie royale sous Ferdinand VII. Chez nous, où la royauté reste toujours étrangère au désordre et à l'instabilité de ses conseillers", cc n'est point une anarchie royale que nous avons, mais c'est une anarchie de cour. Elle en a tous les carac tères : tripotages, intrigues, cachoteries, promotions capricieuses d'hommes inconnus. En même temps cette anarchie de cour su bissant la loi du siècle, elle a aussi tous les symptômes des partis et des factions. Elle esf"violente et novatrice. Elle a les manières de vivre de l'ancien régime , et les passions du nouveau. Elle a les allures politiques de Trianon , faisant et défaisant les ministères , par l'intrigue, et dé plus elle est révolutionnaire , selon l'esprit de réaction de 1815. . Que pense de tout cela, je ne dis pas Ja France, les élections le feront bientôt savoir , mais que. pense l'Europe? Que pensent les cours étrangères? Hélas! il faut le dire, il se répand en Europe de tristes au gures sur la France Les étrangers les plus clairvoyans doutent de l'avenir. L'instabilité des choses en France redevient une idée familière à l'Europe. Seize années conjjïiençaient à l'effacer. Le 8 août et le 19 mai l'ont fait revivre ; et ,• "chose remarquable! ce n'est plus ni la frivolité française , vieille accusation qui n'est plus de mise, ni la manie révolutionnaire qui font croire à l'instabilité des choses en France; c'est la folie obstinée des conseillers de la Couronne. Qui peut se tromper, en effet, en voyant ce qui se passe ? Qui pourrait ne pas voir d'où vient la révolution? Est-ce nous qui attaquons ? Non , certes! Nous défendons nos droits, nous maintenons nos libertés; nous ne voulons enfinque garder ce que nous avons. L'ordre établi, les Bourbons et la Charte , voilà la pensée et le cri de la France. Qui veut changer cet ordre établi ? Qui parle de remuer encore le foyer brûlant des lois de presse et d'élections? Qui? sinon le ministère ! De quel côté donc est l'ardeur des innovations? De quel côté est la révolution? Du nôtre ou du leur? Il est évident aux yeux de l'Europe que c'est nous aujourd'hui qui ne voulons pas de révolution, et que c'est le ministère qui en veut; que c'est nous qui voulons rester trân quilles, et que c'est le ministère qui veut remuer et changer tout. Et, ce qu'il ya de plus effrayant, c'est qu'en cela, le ministère peut tout ce qu'il veut; car, remarquons-le, dans ce gouvernement représentatif qui est, dit-on, un système d'empiètemens populaires, le peuple n'a aucune action directe ; jamais le mouvement et l'im pulsion ne viennent de lui, ni même de ses représentais. Dans notre gouvernement, le pouvoir populaire n'agit jamais spontanément :ce n'est pas lui qui a l'initiative des lois ; ce n'est pas lui qui con voque; ce n'est pas lui qui dissout; c'est un pouvoir presque passif, un pouvoir de résistance et non d'action. Le pouvoir, au contraire, exercé par les ministres, est un pouvoir essentielle ment actif :il décide, il résout ; c'est lui qui donne l'impulsion ; c'est lui qui met tout en mouvement. Eh bien ! ce pouvoir , qui peut tout mettre en mouvement, c'est lui qui veut une révslution; c'est lui qui parle de coups d'Etat. Le pouvoir et la volonté se trouvent du même côté. Gomment l'Europe ne s'inquièterait-elle pas? Comment ne douterait-elle pas de l'avenir de la France ? Si M. de Polignac, comme c'est son devoir, met sous les yeux du Roi les dépêches de nos ambassadeurs dans les pays étrangers, l'inquiétude de l'Europe peut éclairer la sagesse du Roi, et sau ver la monarchie : alors nous bénirons cette salutaire anxiété. C'est la seule intervention de l'Europe que nous voulions souffrir; toute autre nous indignerait ; et si M. de Polignac recevait, par impossible , une note de l'Autriche et de l'Angleterre pour lui re montrer la marche dangereuse de son ministère, M. de Polignac aurait raison de la déchirer sans en tenir compte. Point d'intervention étrangère même pour son repos et pour sa liberté : tel est le vœu de la France. En ceci, elle est sûre d'être exaucée ; car telle est aussi, nous en sommes persuadés, la pensée de l'Europe. Quelles que puissent être les folies de MM. de Poli gnac et de Peyronnet, l'Europe ne se remuera pas. Elle ne se re muera ni pour mettre à la raison le ministère, ni pour réparer les conséquences de ses faules. L'Europe restera neutre, quoi qu'il...
À propos
Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.
En savoir plus Données de classification - de polignac
- de vatimesnil
- de caux
- compiegne
- lamarque
- peyronnet
- europe
- france
- bordeaux
- lille
- maubeuge
- pays-bas
- autriche
- angleterre
- blaye
- valenciennes
- collège de mont
- trianon