Extrait du journal

Le ministère, de la Liquidation des stocks de guerre a un parent pauvre et un tout petit concurrent très humble et très crotté : c'est le marché de la barrière SaintOuen, communément dit « aux puces » : il faut y aller voir, sinon pour meubler lâchement l'arsenal de ses souvenirs per sonnels et acheter à bon compte l'illusion qu'on a fait l'Argomw? et le Chemin des i Dames, du moins pour méditer sur la rapi dité avec 'laquelle le harnais de Mars se fripe et se ternit au lendemain de la plus grande des guerres et de la victoire la plus éclatante. La fouîe des chalands passe indifférente et presque dédaigneuse devant les petits obus poMs et les douilles de cuivre à pré sent vaines et sonores ; les ceinturons d'of iicier boche ne valent plus une peau de lapin au prix où est la fourrure et l'on fait plus de cas d'une paire de brodequins pour la qualité qui reste à son cuir que pour la peine héroïque qu'elle a prise et les étapes qu'elle a foulées, de Péronne aux ponts du Bhin. Qui veut rempiler ? plaisante un camelot rauque en étalant -une vareuse de chasseur à pied dont les deux manches sont chevronnées jusqu'à l'épaule et qui garde les deux rubans de la croix de guerre et des blessés. Qui veut rempiler ? Des galons sont déjà dessus ! A côté, une bonne femme, après avoir âprement marchandé, fourre dans son cabas un képi de sous-oflicier d'artillerie et tire vingt francs d'une bourse crasseuse. Ah ben non, sans.blague ! fait la voix grasse _du marchand ; si tous les clients qu'achètent pour dix ronds, fallait leur donner la monnaie d'un sigue !... La monnaie de la gloire... Comnle la gloire paraît déjà lointaine et froide ! Comme la question de la monnaie est plus actuelle et plus brûlante !...