Extrait du journal
tent, qu'il a également frappé tous les esprits. Mais tous n'en ont pas tiré les mêmes conséquences. Le premier effet de cette antipathie des principes gouvernemen taux fut général. Tous les Français , le lendemain de l'élévation de Louis-Philippe à la royauté , s'abordaient en disant : Les puis sances européennes nous déclareront-elles la guerre ? Mais au mi lieu du brouhaha , de l'ahurissement qui devait naturellement sui vre une révolution aussi spontanée , aussi subite , les idées n'étaient pas encore arrêtées sur ce grave sujet ; on avait eu ni le loisir ni l'occasion de réfléchir aux motifs qui militaient pour ou contre la conservation de la paix. Cependant, par un effet des progrès que nos luttes parlementaires avaient fait faire à la raison publique ( progrès, hélas !si déplorablement détruits depuis celte époque par tous les écrivassiers de la souveraineté du peuple ), si tout le monde disait : tes puissances européennes nous déclareront-elles la guerre? personne ne disait encore : déclarerons-nous la guerre aux puis sances européennes? Bien au contraire , on attendait , on désirait avec véhémence les adhésions pacifiques des couronnes à notre ré volution, et toutes les fois qu'on recevait une reconnaissance diplo matique de la royauté de Louis-Philippe tous les cœurs étaient émus de joies. On se souvient de l'effet que produisit la première recon naissance , celle de l'Angleterre. Cependant, alors comme aujourd'hui, personne ne pouvait dou* ter de l antipathie , de la haine intime qui existe entre le principe féodal des monarchies européennes , et le principe libéral de la ré volution de juillet. Et personne pourtant n'avait été tenté d'en con clure , comme depuis M. Mauguin le fit le premier à la tribune, que ces principes gouvernementaux étant opposés, il fallait néces sairement que le principe féodal de l'Europe détruisît le principe libéral de la France, ou que le principe libéral de la France détruisît le principe féodal de l'Europe ; ce qui ne va à rien moins qu'à dirp que , de toute nécessité , il faut, pour établir la liberté, vin embrâse ment universel qui ne serait éteint que dans destarrens de sang !... Belle perspective pour la faire accueillir à bras ouverts par l'huma nité ! ■ i De cette folle et monstrueuse aberration , l'Opposition a conclu dès lors que la guerre était inévitable, nécessaire, populaire, quelle était le complément désirable de notre révolution ; tous les jours, a tous les instans , à toutes les minutes , elle a vu la guerre , elle a prouvé la guerre, elle a prédit la guerre; et , malgré tous ses efforts pour 1 occasionner, efforts qui ont arrêté "considérablement le développement de notre liberté , de notre commerce , de notre industrie, par 1 anxiété générale dont ils frappaient tous les esprits , voilà deux ans écoulés , et nous sommes encore en paix !... N'y a-t-il pas dans ce contraste une révélation qui doit fortement agir sur les convictions politiques? Parmi ceux qui croyaient à la probabilité de la guerre, quels sont ceux qui auraient cru que sa léalisation serait retardée de deux ans? Et si la paix a duré deux ans , n'y a-t-il pas à cet état de choses un motif fort, réel, puissant, motif mal observé, mal défini jusqu'à présent, et qui agit sur les îapports des puissances entre elles, souvent à leur insu, et plus souvent encore en dépit de leur mauvais vouloir?... Te! est le point île vue sous lequel je veux examiner l'acte de la Diète germanique, moi nai jamais admis 1 éventualité de la guerre prêchée par 1 Opposition; moi qui ai toujours cru à la paix comme j'y crois en core aujourd'hui. Non que je veuille dire par-là que l'avenir soit tellement enchaîné par le présent que la paix en doive être éter nelle ; non que j'aie le ridicule orgueil de prétendre à une prescience infaillible. Sans doute, dans les chances de la destinée européenne, la guerre est possible, mais elle est tellement difficile à faire pour tout le monde, quelle en devient chaque jour plus improbable. Voilà mon assertion : passons aux preuves. En admettant, ce qui est vrai, que les puissances européennes détestent la révolution de juillet ;en admettant, ce qui est encore vrai, qu'en coalisant leurs armées comme elles L'ont fait en 1814 et en 1815, elles pussent réunir des masses militaires beaucoup plus nombreuses que l'armée française; en admettant, ce qui ne peut être nié, que cette disparité numérique fût encore bien plus choquante dans les premiers jours de la révolution , par l'état de faiblesse où la branche aînée des Bourbons avait laissé notre système guerrier, elle qui ne daignait certes pas 1 agression des trônes européens qui lui | servaient de complices contre la liberté , par quelle cause la haine des rois a-t-elle été neutralisée dans ses effets ? Pourquoi ne nous ont-ils pas fait une guerre qui leur offrait tant de moyens matériels de succès? Cette cause existe-t-eile encore? A-t-elle diminué de force ou a-t-elle vu s'accroître son influence? Le mauvais vouloir des Rois a été enchaîné, parce que toutes leurs forces matérielles sont subordonnées de nos jours à un grand fait moral qui les prédomine, à cette volonté générale des peuple# européens , qui, désormais unis par des liens communs , par un commerce essentiel à leur vi.e, par une conviction intime de leurs droits et de leurs besoins , ont comme une grande âme, une grande intelligence , une grande force vitale contre laquelle et sans laquelle nul gouvernement ne peut plus agir. Autrefois , il y avait dans les peuples européens , gouvernés monarch;quement, une prédisposi tion à suivie l'impulsion de leurs chefs , sans en trop scruter les motifs, persuadés que la volonté de ces chefs était une décision sans appel, qu'elle fut bonne ou qu'elle fût mauvaise. Maintenant il n en est plus de inenie : les Rois de 1 Europe ont encore un pou voir dont la forme seule est absolue , mais dont l'exercice est sou mis à des conditions de fait sans lesquelles toute puissance réelle s'éteint et meurt dans leurs mains. Et cette forme absolue de gouvernement, à quel titre leur est-il possible encore de la conserver?... En transigeant perpétuellement avec le pouvoir réel qui tend à la leur ôter; en louvoyant devant les difficultés, comme ces maisons de commerce embarrassées , qui ne font marcher leurs affaires qu'au moyen de circulations factices. Or, pour que les Rois de l'Europe pussent agir hostilement contre la Fiance, et nous déclarer la guerre sans compromettie défini tivement leur propre royauté , privée tout à coup de ses moyens...
À propos
Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.
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