Extrait du journal

s'être jamais rien confié, Louis et Marie n'avaient plus rien à s'apprendre sur leurs sentimens réciproques. Marie ne pouvait croire que tant de bonheur fût en réserve pour elle ; elle avait besoin quelquefois du regard significatif du vieux marquis pour être sûre qu'elle ne rêvait pas; mais c'était avec Dorothée qu'elle soulageait son cœur, car elle n'avait pu y tenir de lui dire son secret. L'excellente fille avait d'abord été un peu effrayée; la comtesse serait-elle contente? Marie lui, fit observer que sa mère, désirant par-dessus tout la marier, ne pouvait par conséquent être qu'enchan tée. Sans Dorothée, le cœur de Marie eût couru risque d'éclater ; elle éprouvait une impossibilité absolue de se fixer à rien et ne trouvait d'apaisement qu'à faire de longues promenades dans la campagne, en parlant tout l,e temps de celui qu'elle aimait. Un matin, après une soirée passée chez les Rpehebie et qui avait été délicieuse pour l'heureuse Marie, elle l'entraîna jusque sur les hauteurs de Gimiez. Elles s'arrêtè rent sur la terrasse qui couronne la colline; Marie regardait avec extase la vue admirable qu'on y découvre; il y avait en elle comme un redoublement de vie qui lui faisait percevoir tou tes les sensations avec une intensité nouvelle. Ses beaux yeux étincelaient, elle se tenait toute droite, sesrant dans la main une gerbe de fleurs odorantes, et semblant la déesse même de la jeunesse. Tout son être respirait ce calme heureux que donne le sentiment d'amour et de protection, quand il paraît pour la première fois dans la vie ; son visage avait pris quelque chose de plus fier; son ârpe ouvrait ses ailes, et il lui semblait qu'elle ne pourrait jamais voler assez haut. Là, dans ce radieux matin, de-...