Extrait du journal

Je ne me soucierais guère de ne voir jamais personne que toi, dit-elle en lui donnant un ou deux baisers. Puis elle ajouta :| —Tu es bon et affectueux pour moi, Jess, et je ne crois pas que tu changes. Les autres ne te connaissent pas, bien qu'ils prétendent le faire mieux que moi. Que peut-on savoir de moi en plus de ce que tout le monde sait? demanda Jess ahuri. En mettant de côté l'asile, j'ai eu la vie aussi respectable que les autres gens et plus que certains. En y réfléchissant, il arriva tout près de l'indignation. Qu'est-ce qu'on a dit de moi ? J'aime rais à le savoir. On dit, répondit Annie, que je ne dois pas croire que tu continueras à m'aimer, que les hommes sont tous ainsi pendant quelque temps, et on veut me persuader que tu ne m'épouseras pas à moins que je ne me donne bien du mal pour t'y déci der. Jess rumina en silence une minute ou deux, et, peu à peu, éclata de rire.. Il attira la tête d'Annie vers lui et lui donna un baiser bruyant sur l'oreille. Sapristi, ma chère, dit-il, tu m'as fait peur. Je craignais que quelqu'un ne se mît en travers pour m'amener des ennuis avec mon maître. Mon Dieu, Annie, pourquoi, contes-tu ces bêtises? Je ne t'aurais jamais cfue si sotte. Annie sourit, rougit, et s'étonna de l'avoir été. Puis elle s'agenouilla sur le carreau en face du feu et mit sa main dans celle de Jess. Il continua àla regarder en silence, tandis que la flamme rouge éclai rait l'or de ses cheveux et le rose pâle de ses joues ; et il rit de nouveau. Ils restèrent ainsi, assis au coin du feu, et ils pouvaient bien se permettre de faire des plaisanteries aux dépens de leurs voisins...