Extrait du journal
Dernièrement, j'ai parlé ici même de la rage de dévastation qui anime aujourd'hui les hommes. J'ai lieu de croire que nombre de mes lecteurs partagent mes sentiments : plusieurs m'ont écrit, l'un d'eux me donne des renseignements pleins d'intérêt sur l'isard, la bête hardie qui a pour piédestal les plus hautes roches des Pyrénées. Cet animal, presque aérien et protégé par des abîmes, a bien failli disparaître. Mais les espèces rares ne sont pas seules menacées. Tout ce qui promet la moindre dépouille aux fourreurs est traqué d'une façon aussi opiniâtre. Enfin, la destruction n'est pas moindre dans le monde végétal. Je lisais dernièrement, dans le Figaro du 24 mai, un excellent article de M. Pierre Caziot, d'où il résulte qu'en raison des exigences du fisc, toutes les forêts de France qui appartiennent à des particuliers auront bientôt disparu. M. Marcel . Bpuléngèri dans le Figaro du 27, a traité le même sujet avec sa verve et sa franchise ordi naires. Reconnaissons dans les faits qu'on nous .signalé ce qui apparaît en tant d'au-" très points, cet acharnement de l'Etat con tre les ressources de la nation, de quelque ordre que soient ces richesses. Qu'est-ce que l'Etat doit être, sinon un organe de prévoyance ? Quand il devient tout le con traire, une imprévoyance systématique et qui, parfois, semble volontaire, quand on le voit porter dans ce sens tout le pouvoir qu'il devrait exercer en sens opposé, que de ruines se préparent dans l'avenir ! Pour ce qui est des arbres et des ani maux, on pourrait sans doute apprendre à tous les Français qu'il y va de leur in térêt d'en ménager l'existence. J'avoue que cela ne me paraît pas suffisant. On n'aura rien fait d'efficace tant qu'on n'aura pas ranimé ou excité chez la plupart des gens îles sentiments dont ils manquent ou qu'on a détruits en eux. De quelque nom qu'on les appelle, ces sentiments sont de la même famille : il s'agit toujours d'amitié, de piété, de respect. Plus nous vivons pro fondément, plus nous devenons voisins de toutes les créatures. Nous ne regardons l'oiseau éperdu de joie qui plonge dans le ciel d'un matin d'été que comme une miette de nous,-et comment pourrions-nous tirer sur lui sans croire que nous allons nous atteindre ? Il est vrai que ces oiseaux dévorent quantité d'insectes. Mais il ne faut pas avoir besoin de penser à cela pour désirer de garder, au-dessus de nos travaux, la charmante folie de leurs jeux. C'est une honte quand ce qui est beau est contraint de se justifier dans l'utile. Apprenons à vénérer tout ce qui a dure noblement, et nous aurons le même res pect pour la vieille église si bien associée au sol qui la porte qu'elle semble y avoir enfoncé des racines, et pour le vieil arbre si fin et si achevé dans la lumière qu'il semble sortir du règne de la nature pour prendre le prestige d'une œuvre d'art. Bismarck disait que les Français n'aiment pas les arbres. Cela n'a pas toujours été ?;rai, cela pourrait ne plus l'être. Quelles que soient les difficultés matérielles qui nous pressent, le vrai drame est, pour nou;s, de revenir à un,système d'idées jus ttes et de sentiments.. .nobles, d'échapper a l'affreux abîirfë d'infériorité ouvert* sous nos pas. Tant de faits que nous consta tons ne sont que les manifestations péri phériques de quelques causes centrales : c'est sur ces causes qu'il faut agir. ABEL BONNARD....
À propos
Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.
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