Extrait du journal
. , SUR LE VIF On a inauguré hier la statue d'un homme qui se; porte parfaitement bien'. L'usage commun attend, avant de la changer en marbre, qu'une tête ait subi'le traitement froid de la mort Mais l'exception n'est pas très rare: le buste de Vol taire fut couronné sous ses yeux au Théâtre français: le Voltaire assis de Iïoudon, le Vol taire nu de Pigalle furent officiels, le modèle survivant. La statue découverte hier est placée dans le foyer d'un théâtre ; c'est un portrait bien plus qu'un monument: Que le public puisse comparer, le jour dé l'inauguration, le modèle à l'image, c'est' peut-être plus dangereux pour le sculpteur : mais c'est infiniment plus agréable pour le statufié. Il serait bon .que, à cet exemple, les statues fussent prises sur lé,vlfi On éviterait bien des oublis. On serait sûr aussi que le commémoré est honoré pour lui-môme. Les partis qui fouil lent les cendres des vieux bûchers pour en tirer des Dolet, se contenteraient de leurs grands hommes actuellement ' suants et soufflants. L'incertitude serait terrible dans les pays â ma jorité indécise. Ce ne serait que, reboulonne ments et déboulonnements. Mais, enfin, les piédestaux pourraient se transmettre d'un bronze à l'autre. Quand, au contraire, comme c'est le cas en France, une majorité assise sur les bulletins de dix scrutins, et maîtresse des urnes, tiendrait un pouvoir assuré, on verrait s'élever lentement, sur les places publiques, la faune~de ses grands hommes; sous tous les marronniers il pousserait un Combes noir; ceux qui, trop brillants ou trop jeunes, donneraient de l'ombrage à leur parti, n'auraient droit qu'à des têtes sur des piédouches ; et peut-être fini raient-ils, comme jadis, par être fatigués de s'entendre toujours appeler le Buste. La surveillance des intéressés serait utile aux œuvres. Alfred de Musset, vivant, aurait de mandé à ne pas représenter une statue du mal de mer, et Renàn n'aurait point voulu ynontrei; à. sqs compatriotes de Tréguier une figure de la Constipation guidée par la Sagesse. Enfin, le jour de l'inauguration,'les"vivants diraient eux mêmes les bêtises qu'on fait dire aux morts. Henry Bidou....
À propos
Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.
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